Etude et analyse

Publié le 17 septembre 2021

Le baromètre 2021 de maturité numérique des citoyens n’a pas l’ambition d’évaluer les effets du numérique, positifs ou négatifs, sur l’environnement. Par contre, il propose pour la première fois des indicateurs quant à sensibilisation des Wallons sur l’impact environnemental de leurs comportements quotidiens impliquant les outils numériques.

Le citoyen wallon est-il sensibilisé à l’impact du numérique ?


Le baromètre 2021 de maturité numérique a pour la première fois examiné dans quelle mesure les Wallons sont sensibilisés à l’impact environnemental que peuvent avoir certains comportements de la vie quotidienne mettant en oeuvre les outils numériques.

Cinq actions ont été sélectionnées en veillant à ce que leur impact soit potentiellement différent. Elles bénéficient également d’un niveau de publicité assez différent dans le discours public concernant l’influence du numérique sur l’environnement.

Baromètre citoyens Digital Wallonia 2021 impact environnemental du numérique

Pour chacune de ces cinq actions, le répondant était invité à indiquer si, selon lui, cette action a un impact très important, moyennement important ou peu important sur l’environnement. Il avait aussi la possibilité d’indiquer qu’il n’en savait rien.

Principaux constats

Il est rassurant de voir que 78% des citoyens sont conscients de l’influence positive de l’augmentation de la durée de vie des équipements numériques. 69% pensent par ailleurs que supprimer les mails inutiles a aussi un impact important sur l’environnement. La situation est analogue pour le choix entre WiFi et 4G, mais avec déjà un taux d’indécision plus conséquent de 26%.

La situation est par contre bien différente pour les deux comportements concernant les écrans et le streaming pour lesquels le taux de personnes qui disent ne pas connaître l’impact varie de un sur quatre à presque un sur trois. De plus, une proportion similaire se dit persuadée que ces éléments ont peu d’influence sur l’environnement.

Ces opinions ne sont pas nécessairement en phase avec l’impact effectif de ces actions et, en particulier, on voit de suite que l’impact du streaming, pourtant nettement plus conséquent que celui de la suppression des mails inutiles, est largement méconnu. Peut-être cet impact est-il moins souvent mis en avant par les médias, dont beaucoup trouvent précisément leurs marges de développement dans la diffusion de vidéos en replay ou en complément de leurs contenus.

Facteurs différenciants

Les différentes propositions ne touchent pas l’ensemble des Wallons de la même manière. Ainsi, quatre des propositions sont peu différenciées selon le genre à l’exception de la limitation de la taille des écrans qui est considérée comme importante par 51% des hommes et 44% des femmes.

De façon générale, ce sont surtout les 30 à 65 ans qui sont les plus sensibilisés avec un maximum après 50 ans pour les deux premières propositions, alors que le maximum se situe avant 50 ans pour les trois suivantes, pour lesquelles les plus jeunes de 15 à 29 ans se montrent aussi mieux sensibilisés.

Dans tous les cas, les 65 ans et plus sont moins sensibles ou se disent incompétents à en juger. Une exception toutefois : les 15 à 29 ans sont également moins persuadés (74%) de l’impact de la durée de vie des équipements. On voit donc que la sensibilisation est d’autant plus forte que la catégorie est une utilisatrice fréquente du service mais cette sensibilisation peut aussi entrer en concurrence avec l’intérêt personnel des répondants. On peut imaginer que les plus jeunes souhaitent suivre plus vite la mode du dernier device et que cela les incite à ignorer plus fortement la question de la durée de vie des équipements.

Très nettement aussi, le niveau de sensibilisation est plus fort chez les personnes diplômées de l’enseignement supérieur ou universitaire, voire du secondaire supérieur, alors que cette sensibilisation diminue pour les moins diplômés. Cette remarque ne s’applique cependant pas à la limitation de la taille des écrans qui est perçue de façon indifférente selon le niveau d’éducation. Au niveau du confort financier, ce sont généralement les plus aisés mais aussi, de façon peut-être plus inattendue, ceux qui ont le plus de difficultés qui semblent accorder plus d’importance à l’impact environnemental des technologies. Pour les premiers, le lien avec le niveau d’éducation semble plausible; pour les seconds, il faut ici aussi, probablement, y voir le lien avec l’intérêt personnel car, pour ces derniers, limiter l’impact environnemental, c’est aussi limiter les coûts et cela se remarque fort pour la dernière proposition, relative à la 4G, privilégiée à 82% par les personnes trouvant la vie très difficile avec leurs revenus, alors qu’elle ne l’est qu’à 62% pour les autres.

Selon la CSP, on ne s’étonnera donc pas de voir l’impact environnemental plus souvent pris en compte chez les employés et moins souvent chez les retraités. Ici aussi, quelques pics sont significatifs d’intérêts connexes, tels que le choix WiFi/4G chez les étudiants. A l’inverse et de façon plus inquiétante, les employeurs se montrent plus souvent peu concernés par ces impacts environnementaux.

Lien avec les scores de maturité numérique

Enfin, si l’on rapproche les réponses des scores de maturité numérique, on observe que les personnes ayant considéré que les impacts environnementaux proposés sont importants obtiennent un score moyen d’environ 53 pour les trois premières propositions, 56 pour le choix WiFi/4G et 58 pour le streaming, alors qu’il est de 50,8 pour l’ensemble de population.

Deux facteurs au moins jouent pour atteindre ce niveau plus élevé que la moyenne. D’une part, les niveaux d’éducation et de compétence numérique plus avancés favorisent une conscientisation plus forte et, d’autre part, ces personnes ont un niveau d’usage moyen légèrement plus élevé, 18 à 19 applications distinctes contre 17,1 pour l’ensemble de la population.

Deux profils de perception du numérique se dégagent par contre clairement dans la prise en compte des impacts environnementaux : les "ambivalents" et les "compagnons" dont on a déjà montré qu’ils portent sur le numérique un regard plus critique que les "passionnés" et surtout que les "insoumis" ou les "éloignés".

Il semble évident qu’une part importante de la population est peu, voire mal, informée des conséquences des usages numériques sur l’environnement. Certes, les plus mal informés sont aussi souvent les plus faibles utilisateurs et cette information serait donc de moindre intérêt pour eux mais une communication plus pragmatique et plus centrée sur les faits serait un premier pas utile pour encourager les comportements vertueux et décourager les comportements plus impactants, ou au moins conscientiser la population à ces impacts.

Quel est l’impact environnemental du numérique ?


Il ne saurait être question de traiter ici tous les aspects de l’impact environnemental des technologies numériques et de leurs usages. Toutefois, il est intéressant de proposer quelques informations complémentaires quant aux cinq questions qui ont été posées dans l’enquête.

L’usage du numérique au quotidien dans les ménages fait intervenir des terminaux entre les mains des utilisateurs (smartphones, tablettes, ordinateurs, systèmes connectés tels que les sonnettes, smartTV, jeux, …), mais pas seulement. En effet, tout l’intérêt de ces équipements réside dans leur connexion avec l’Internet, connexion qui commence localement avec le modem de l’opérateur, éventuellement des points d’accès WiFi complémentaires, puis dans un long chemin sur le « réseau », par des fils ou fibres optiques et surtout des dispositifs relais appelés "routeurs" qui amplifient les signaux et organisent le cheminement des données vers les "data centers" qui hébergent les serveurs de courrier, de streaming, de sites web, etc.

Tous ces composants nécessitent de l’énergie électrique pour fonctionner, mais pas seulement. Pour les fabriquer, d’autres ressources sont exploitées et notamment de nombreux métaux, dont certains fort rares, ainsi qu'un quantité importante d'eau. L’extraction minière de ces métaux émet des gaz à effet de serre (GES). À cela s’ajoutent les pollutions liées aux GES émis pour produire l’électricité nécessaire, ainsi que tous les déchets issus de la fabrication des composants. La fin de vie de ces équipements est aussi une importante source de pollution surtout lorsque le processus de recyclage n’est pas optimal et a fortiori s’il est inexistant.

Quelques chiffres donnent des ordres de grandeur pour la compréhension de l’ampleur de l’impact environnemental du numérique :

  • Un article du CNRS de 2018 estime que dans les usages numériques, environ 30% de la consommation électrique est imputable aux équipements terminaux, 30% aux data-centers qui hébergent les données et, plus surprenant, 40% à la consommation des relais du réseau.
  • Selon l’INRIA en 2019, les TIC sont responsables de 10% de la consommation mondiale d’électricité si l’on considère les phases de production et d’usage. De plus, le taux de croissance est de +8% l’an pour le numérique, alors qu’il est de +3% pour la consommation énergétique globale.
  • Contrairement à une croyance bien installée, l’énergie consommée pendant la phase d’usage des équipements n’est pas largement prépondérante. La phase de production des équipements représente environ 45%, en 2020, dans l’empreinte énergétique totale du Numérique et peut atteindre plus de 80% de l’empreinte GES de certains équipements comme les smartphones (83% sur un iPhone 12 selon le fabricant lui-même).
  • Dès 2011, une étude de l’ADEME estimait que l’envoi d’un email accompagné d’une pièce jointe de 1 Mo consommait la même énergie qu’une ampoule de 60 W pendant 25 minutes.
  • La part de la vidéo dans les données qui circulent sur Internet est considérable : dès 2015, Greenpeace parlait déjà de 63% , mais le Shift Project parle lui de 80% en 2018 avec une croissance annuelle de 80%.
  • L’amélioration de la résolution des écrans utilisés par la vidéo induit une croissance exponentielle des données nécessaires pour utiliser pleinement ces capacités supérieures : la résolution de base (SD) nécessite un débit de 2 Mbps environ; pour la HD (1080p), il faut compter 7,2 Mbps, tandis que pour la très haute définition (UHD ou 4K) la consommation est d’environ 18 Mbps soit 9 fois celle de la résolution standard. Les premières télévisions 8K affichant 4 fois plus de pixels sont commercialisées depuis 2019 déjà …
  • À bande passante consommée identique et en considérant la chaîne complète de transmission, l’échange de données en mode 4G consomme 2 à 3 fois plus d’énergie qu’en WiFi. Bien d’autres chiffres pourraient être cités et il faut reconnaître que vu la complexité des mesures nécessaires, ceux-ci sont parfois contestés. Ils démontrent toutefois que le numérique, qui peut aussi être un puissant moyen pour optimiser des processus, notamment énergétiques et donc contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique et à une utilisation plus rationnelle des ressources, est d’abord un puissant, mais fort discret, consommateur de l’énergie et des richesses de notre planète. Autant le savoir.

Pour en savoir plus

À propos de l'auteur.

André Delacharlerie


Agence du Numérique