Etude et analyse

Publié le 9 novembre 2023

Télécharger cette étude

Le Plan d’Inclusion Numérique de la stratégie Digital Wallonia a pour ambition de lutter contre la fracture numérique via 3 axes importants : la mobilisation du public, le renforcement de l’offre de services et l’outillage du réseau. Le baromètre citoyens 2023 de l’Agence du Numérique permet de mettre en évidence 5 recommandations pour baliser les priorités en matière d’inclusion numérique des citoyens wallons.

Réenchanter le numérique  


L’acculturation au numérique est un processus d’enrichissement d’une culture qui va bien au-delà de la maîtrise des outils numériques. La culture numérique, c’est développer des bons réflexes face aux techniques et outils, comprendre leur portée, faire preuve d’agilité dans la manière d’appréhender le numérique. Elle permet de briser le mythe des Digital Natives qui en manque cruellement, exceptés ceux qui font partie de la catégorie des Experts. Liée inévitablement à l’éducation au numérique, elle doit devenir, dans l’esprit collectif de la société, une culture à part entière. 

Atteindre une maturité digitale ne s’acquiert pas d’un coup de baguette magique et les acteurs intermédiaires (enseignants, médiateurs, etc.) ont pour mission d’amener le citoyen à s’en saisir comme une opportunité afin de vivre, travailler et s’épanouir. La culture numérique est le ciment qui va consolider les 3 briques que sont la perception des compétences numériques, les usages effectifs du numérique et le ressenti face au numérique, actuellement à la base de la définition de la maturité numérique. 

Par conséquent, la sensibilisation au numérique est « le » défi qui attend la Région. Informer et sensibiliser aux opportunités qu’offre le numérique et son utilisation adéquate est l’affaire de toutes et tous, et ne peut absolument pas être l’apanage unique de l’école.

Des changements au niveau de l’enseignement sont actuellement en cours, avec l’application du Pacte d’Excellence et il faudra attendre des années avant que les premiers effets soient connus.

En attendant, toute la population non estudiantine doit pouvoir être informée sur le numérique, sur les technologies qu’elle côtoie tous les jours sans le savoir, sur leurs avantages et risques à gérer (cybersécurité, dépendance, bonnes pratiques, etc.). Ce n’est qu’à travers du partage de connaissances que pourra s’installer le climat de confiance que nombreux citoyens semblent réclamer. 

Les questions liées à l’Intelligence Artificielle montrent que l’attrait pour les nouvelles technologies est en retrait par rapport aux craintes liées à l’implication de celles-ci sur la société. Si les technologies existent pour faciliter la vie de chacun et chacune, il faut bien admettre que le citoyen les accueille sans en connaître les tenants et les aboutissants. Si la volonté est que chacun s’empare de cette technologie adéquatement afin d’en faire un vecteur de son épanouissement personnel et collectif, les connaissances utiles pour l’utiliser adéquatement, sont encore, comme le démontre le baromètre 2023, l’apanage de quelques-uns.

Faire de la Région un territoire apprenant


Améliorer les compétences numériques des citoyens reste une demande largement exprimée par les citoyens. Une mise à  disposition plus large des ressources numériques existantes permettrait de répondre à cette demande formulée aujourd’hui par plus d’un tiers des Wallons. 

Il existe à l’heure actuelle plusieurs outils qui permettent de connaître son niveau de compétences numériques, dont la plupart sont basés sur le DigComp, référentiel européen de compétences numériques pour l’ensemble des citoyens. Ces outils sont essentiellement utilisés comme outil diagnostic pour permettre d’évaluer les compétences d’une personne pour qui le numérique est problématique. D’autres outils existent également tels que le Digichallenge  visant à orienter les citoyens vers les bonnes ressources.

Poursuivre l’investissement dans l’amélioration et la diffusion de ces outils semble plus que jamais utile pour soutenir les citoyens dans le développement de leurs compétences numériques. 

En parallèle, il conviendrait également de faire connaître l’offre de formation existante pour que les citoyens puissent être informés des nombreuses opportunités de formation afin de développer leurs compétences numériques tout au long de leur parcours de vie. 

Considérant que les Espaces Publics Numériques sont essentiellement utilisés par les citoyens pour se former, renforcer leur visibilité serait sans aucun doute extrêmement porteur pour la Région. 

Investir la fonction de médiateur numérique 


A côté d’une réflexion sur la formation, un accompagnement qui « fera à la place de » sera toujours nécessaire. Si la COVID a obligé les citoyens à utiliser un équipement nouveau et à pratiquer de nouveaux usages, la fin de la pandémie a remisé ces derniers au fin fond de la mémoire collective. Car apprendre sans pratiquer par la suite ne sert à rien. 

En effet, ce n’est que par l’expérience que les avantages d’une formation peuvent véritablement s’ancrer dans le quotidien d’un individu. Une personne de plus de 75 ans qui utilise la banque en ligne tous les trimestres sera confrontée aux mêmes questions à chaque itération. Si bien que, généralement, une aide extérieure sera demandée pour "faire à la place de". Ce type d’accompagnement s’avère indispensable, non seulement pour les citoyens dits "éloignés" du numérique, mais également pour une grande partie de la population encore indécise par rapport au numérique.

Pour cette raison, la Wallonie doit sans doute investir également dans la fonction, nouvellement définie de "médiateur numérique". Investir dans cette fonction (nombre et professionnalisation) serait, sans nul doute, un signal fort lancé au citoyen de notre Région.

Connecter le territoire numérique aux citoyens


L’ambition est de connecter chaque citoyen au numérique en développant une stratégie qui articule espaces physiques et numériques. L’objectif est d’inverser la logique actuelle où le citoyen doit, proactivement aller chercher les informations et ressources utiles, à une logique où le numérique s’invite dans ses lieux de vie quotidiens voire plus encore : chez lui.

Ce n’est qu’en investissant dans des actions qui se situent au plus proche des citoyens que la Région parviendra à instaurer un climat de confiance entre le citoyen et les technologies numériques et à étendre le champ de l’éducation en dehors des murs stricts de l’école.

Pour y parvenir, il faut investir dans les espaces physiques situés proches des citoyens. Cette approche nécessite non seulement de faire connaître ces espaces mais aussi de les renforcer en outillant les acteurs qui œuvrent au cœur du territoire (médiateurs, intermédiaires) avec des ressources adaptées et à haute teneur pédagogique. Cet outillage doit leur permettre d’éduquer et d’accompagner les citoyens au numérique.

Certains outils pédagogiques et centrés usagers existent déjà (comme la Box numérique d’Interface3.Namur). Ils mériteraient d’être diffusés dans toutes les structures dédicacées. Afin de connecter le plus grand nombre, les lieux de passage communs (pharmacies, mutuelles, administrations communales…) devraient également pouvoir donner accès à des informations de base à toutes et tous. 

Deuxièmement et conjointement, il pourrait être opportune de développer une plateforme qui rassemble l’ensemble des services numériques utiles à une vie citoyenne épanouissante, sans toutefois rajouter de nouvelle couche aux services existants.

En effet, l’ambition est de faire évoluer les services publics vers une logique de plateforme numérique citoyenne. Cette plateforme devrait permettre aux citoyens de trouver des réponses pour mener une vie numérique sereine : banque en ligne, dossier e-santé, documents administratifs, etc. Dans cette plateforme serait également renseignés les lieux physiques qui sont prêts à les accompagner si besoin et les formations disponibles à proximité.

Élargir la notion d’accessibilité


Lorsque l’on parle de fracture de 1er niveau, on entend "matériel et connexion". Or, l’accessibilité au numérique ne peut plus se contenter de cette approche et doit aujourd’hui être complétée par l’accessibilité des sites web, des applicatifs et des plateformes que le citoyen utilise et visite. Il est, depuis de nombreuses années, une obligation légale des bâtiments publics de permettre l’accès à ceux-ci aux personnes à mobilité réduite. C’est encore loin d’être le cas lorsque l’on parle des sites web ou plates-formes et des personnes en vulnérabilité ou fracture numérique. Et cela ne concerne pas uniquement les sites à vocation publique.

Si les sites de commerce électronique sont concernés par une directive européenne qui stipule que "Tous les sites et plateformes de commerce électronique doivent être accessibles pour les nouveaux services à partir de 2025 et pour l’existant à partir de 2030", il n’en est pas de même pour l’ensemble des autres types de sites web. Pourtant, un citoyen qui est amené à réaliser des efforts pour trouver ce qu’il cherche, par faute d’une conception inadéquate ira inévitablement voir ailleurs. 

C’est pourquoi il faut d’investir dans l’étude des sites et plateformes de 1re ligne dédicacés aux citoyens et dans des recommandations qui permettraient à ceux-ci d’être faciles d’utilisation pour ces derniers.

La sérénité du citoyen aura sans aucun doute une répercussion positive dans son appropriation du numérique et sur la réputation des sites et plates-formes qu’il visite.

Pour en savoir plus

À propos de l'auteur.

Olivier Ruol


Agence du Numérique