La capacité des hommes et des femmes à se saisir du digital est devenu une condition de survie sur le marché. Et dans ce processus de transition digitale, l’enjeu ne se limite pas à l’accès à la technologie mais aussi à la capacité des dirigeants à s’en saisir au bénéfice de leur entreprise autrement dit… à endosser son rôle de leader numérique !

Imaginez que le monde change brusquement :

  • Que nos habitudes soient bousculées et nos outils dépassés.
  • Que de grandes entreprises à succès tombent en faillite : que leurs produits perdent leur raison d’être du jour au lendemain tandis que d’autres amassent une fortune sans rien vendre de visible.

Des géants numériques américains aux PME wallonnes, la capacité des hommes et des femmes à se saisir du digital est devenu une condition de survie sur le marché. Et dans ce processus de transition digitale, l’enjeu ne se limite pas à l’accès à la technologie mais aussi à la capacité des dirigeants à s’en saisir au bénéfice de leur entreprise, autrement dit : à endosser leur rôle de leader numérique !

Le leader fait du numérique son allié stratégique


Dans le cadre de son baromètre 2020, l’Agence du Numérique a analysé les perceptions des patrons wallons sur le numérique. Cette analyse mettait en évidence que seul 1/3 des dirigeants perçoivent le numérique comme une opportunité pour leur stratégie d’entreprise. Les deux autres tiers ont soit une vision partielle du numérique ou sont sceptiques.

Pourtant, pour obtenir les synergies promises par le numérique, la digitalisation doit être réfléchie à la lumière de l’évolution du business et du fonctionnement de l’entreprise. La digitalisation d’une entreprise ne peut être envisagée par projets séparés. Elle nécessite une approche systémique. Concrètement, elle n’a de sens que si elle répond à une finalité globale et partagée.

Par conséquent, pour réussir sa transformation digitale, le dirigeant doit non seulement avoir la capacité de répondre à la question "Quelle technologie serait profitable pour mon entreprise ?" mais aussi et prioritairement pouvoir répondre à des questions telles que : "En quoi le digital peut-il servir ma stratégie ?" ; "Comment la culture digitale peut-il offrir de nouvelles perspectives à mon entreprise ?" ; "Comment la technologie peut-elle améliorer la qualité des services/produits de mon entreprise ?", etc. Comme pour tout changement quel qu’il soit, pour impulser la transformation au sein de son entreprise, le dirigeant est donc invité à se questionner sur l’opportunité que pourrait représenter le digital pour son entreprise.  Et ce questionnement est d'autant plus essentiel en Wallonie que le principal frein évoqué par les dirigeants wallons des petites entreprise pour passer au digital est l’inutilité perçue des technologies. A l'inverse, la principale raison évoquée par les dirigeants pour passer au digital sont les exigences des clients. 

Bref, comme le disent les philosophes, transformer c’est accepter de changer deux fois : premièrement changer son regard sur une réalité pour dans un deuxième temps s’atteler à la transformer. De fait, ce n’est seulement qu'une fois que le dirigeant sait "pourquoi" il souhaite faire du numérique un allié de sa stratégie que le processus de transformation pourra être pensé et s’opérer.

Le leader pense la transformation numérique avec ses collaborateurs


Si la perception du dirigeant est une condition cruciale à la transformation numérique, elle n’est pas suffisante. En effet, rien ne changera dans les "faits" si les hommes et les femmes qui font partie de l’entreprise ne perçoivent pas, eux aussi, les opportunités de la technologie dans le cadre de leur travail quotidien. A l’instar du dirigeant, ce sont leurs perceptions qui feront qu’ils s’impliqueront ou pas dans cette transition.

Il faut être réaliste, aucune évolution n’est envisageable sans les hommes et les femmes qui en font partie. Les collaborateurs sont le centre de gravité et les réels acteurs de la transformation. Plus encore, si la réussite de la transformation numérique est conditionnée à leur perception, elle est aussi conditionnée à leur motivation à réinventer leur métier et à développer les compétences utiles. Concrètement, dans le cadre de cette transformation, l’enjeu pour le dirigeant consiste à investir dans son capital humain avec tout ce que cela implique de remises en question, de créativité, d’accompagnement, etc.

Mais si le dirigeant est invité à consulter et à investir dans ses équipes pour les "faire adhérer" et les "mettre en capacité, il a surtout besoin d’eux pour construire l’approche. En effet, la complexité du défi de la transformation numérique oblige le leader à faire appel à l’intelligence collective. A l’heure du digital, il n’est d’ailleurs plus question de parler de "bottom up" ou encore de "top down" mais de réelle de co-construction. De fait, la possibilité de dialogue et d’initiatives est une caractéristique essentielle d’une culture digitale qui fonctionne. Créer un espace dans lequel les collaborateurs peuvent avancer leurs idées, prendre des initiatives, expérimenter, fonctionner par essai-erreur, est essentiel pour que toutes les dimensions de la transformation soient prises en considération et porteuses d’innovation.

Le leader joue son rôle de leader numérique


Le dirigeant est donc amené à susciter l'adhésion et l'implication dans la transformation numérique afin d'être un leader ! Et être un leader n’est pas un statut ou encore un titre, mais une reconnaissance accordée pour l’état d’esprit et la motivation qu’il insuffle. À la lumière de la complexité du défi, le rôle du leader n’est pas celui d’un expert mais celui d’un animateur qui crée l’éruption d’idées porteuses pour l’entreprise et pousse à agir. En effet, le rôle du dirigeant dans une culture numérique n’est pas celui qui impose un savoir ou son point de vue, mais celui qui par le biais du questionnement, tel un leader, réussi à construire de la connaissance utile avec ses équipes.

Ce questionnement se structure en plusieurs étapes.

1. Il identifie les enjeux

Les objectifs de la transformation digitale sont fonction de la stratégie de l’entreprise. Pour certaines il s’agit simplement d’obtenir un avantage concurrentiel, d’innover ou de gagner en efficacité. Pour d’autres c’est une simple question de survie. Mais quoi qu’il en soit, la transformation numérique nécessite une stratégie d’entreprise claire. Le digital n’implique pas forcément qu’il faudra tout changer, mais oblige à une analyse des opportunités et bénéfices pour l’entreprise.

Quelques questions pour guider la réflexion sur les enjeux :

  • Quelle est l’opportunité de ce changement, quelles sont les perspectives qu’il pourrait offrir à l’entreprise ? ; Pourquoi a-t-on besoin de ce changement ? Exemples : Faire face à la concurrence d’internet, gagner en agilité face à la situation de crise, conquérir des nouveaux clients, améliorer le service ou l’offre produit, etc
  • Quels sont les risques de ce changement ? Exemples : Être dépendant d’un prestataire externe, un retour sur investissement trop faible, la non-adhésion des collaborateurs, etc
  • Quels sont les risques de ne pas prendre ces risques ? Exemples : être moins compétitif au niveau financier que la concurrence, ne plus suivre la tendance des consommateurs, devoir réduire la marge pour écouler les stocks, perdre des talents, etc

Pour faciliter la réflexion, le dirigeant peut se questionner à partir des 4 axes de la transformation numérique :

  • Infrastructure technologique. Quels sont les risques et opportunités d'adopter telle ou telle technologie ?
  • Gestion des ressources humaines. Quels sont les risques et opportunités de mettre en œuvre tel ou tel nouveaux processus de travail ?
  • Digitalisation des processus métiers. Quels sont les risques et opportunités d'automatiser tel ou tel processus métiers ou flux d'informations ?
  • Digitalisation de la stratégie commerciale. Quels sont les risques d'utiliser des technologies ou services numériques pour développer ou transformer les produits et services de l’entreprise ?

2. Il définit les changements

A cette étape, le leader identifie les impacts sur son organisation et les changements à mettre en place pour atteindre les objectifs préalablement fixés.

Quelques questions pour guider la réflexion sur les changements :

  • Comment et pour quelles activités les nouvelles technologies peuvent-elles soutenir l’entreprise ?
  • Quelle est la nature du changement ?
  • Quels silos doivent être cassés ?
  • Quelles sont les parties prenantes de ce projet ?
  • Quels sont les flux d’informations déjà existants et futurs ?
  • Qui va être impacté ?
  • Quels sont les métiers qui vont être amenés à évoluer ?
  • Quelles sont les compétences à développer ?
  • Quelles sont les moyens mis à disposition ?
  • Etc.

3. Il élabore une stratégie de conduite du changement

La mise sur pied d’une véritable stratégie de gestion du changement englobant l’ensemble des collaborateurs concernés est indispensable tout au long d’un processus de transformation numérique. En effet, il ne faut pas oublier que l’intégration d’un outil implique des changements d’habitude et nécessite par conséquent une stratégie de "change management" : appropriation et/ou acquisition de compétences pour exercer son métier "autrement" ou encore avoir la capacité de s’immerger dans une culture nouvelle.

Quelques questions pour guider la réflexion sur la conduite du changement :

  • Quelles sont les perceptions des équipes ?
  • Quelles sont les éventuelles résistances ? Et comment les soulever ?
  • Comment impliquer les acteurs concernés dans le développement de ces process ?
  • Quel est le plan de développement de compétences à prévoir pour une utilisation adéquate des outils ?
  • Quelles ressources support devront être mises à disposition des utilisateurs ?
  • Quelle expérimentation pourrait-être menée pour capter les effets ?
  • Quels sont les collaborateurs qui pourraient jouer le rôle d'ambassadeur ?
  • Quels sont les résultats qui permettront d'objectiver la réussite de ce changement ?

Tout au long du processus de transformation, le leader invite à oser et à expérimenter. Il y va pas progressivement : pas et par itération. Il est en effet peu prudent de digitaliser tous les process en même temps. En effet, il faut laisser le temps aux collaborateurs d’absorber les changements. Il est également judicieux de commencer par un petit projet, peu coûteux et dont le périmètre est réduit. Cette manière de faire permet de soulever des nouvelles questions que le leader n'avait pas forcément anticipées au départ et de tirer des enseignements utiles pour mener des projets de plus grande ampleur.

4. Il implique tout au long du processus

Mettre en œuvre la stratégie développée ci-dessus exige de communiquer et d'impliquer. Il y a plusieurs formes de communication qui sont toutes utiles pour que les collaborateurs se sentent rassurés :  mobilisatrice (explique le pourquoi du changement et vise à éviter les incompréhensions), explicative (explique le comment et vise minimiser les résistances), sécurisante (explique le processus et vise à rassurer) ou encore gratifiante (explique les avancées et vise à reconnaitre le chemin parcouru).

Mais communiquer ne suffit pas ! Le leader doit impliquer les collaborateurs dans la coécriture de l'histoire de la transformation numérique.

Quelques questions pour guider la réflexion collective :

  • Quel est le contexte ? La situation actuelle ?
  • Quelle est la vision ? La situation visée ?
  • Quels sont les objectifs que l'on se fixe et dans quels délais ?
  • Comment savoir que les objectifs ont été atteints ? Quels sont les indicateurs ?
  • Quels sont les réussites, les expériences déjà vécues sur lesquelles se reposer ?
  • Quels seront les bénéfices pour chacun des collaborateurs ?
  • Quelles sont les principales étapes de ce changement ?

Où en sont les entreprises wallonnes  ?


Dans le cadre de son baromètre 2020, l’Agence du Numérique (AdN) a identifié trois perceptions différenciées parmi les dirigeants.

  • Numérique est opportunité stratégique. 35% des dirigeants perçoivent la transformation numérique comme une opportunité à saisir absolument dans le cadre d’une stratégie globale pour l’entreprise, et l’on peut escompter qu’ils ont une approche stratégique de la numérisation.
  • Numérique est utile. Dans le second tiers, on trouve des entrepreneurs qui pensent que certaines technologies numériques sont utiles, mais qu’il ne faut pas nécessairement digitaliser tous les processus de travail. Cette approche correspond plus à une approche organique de la digitalisation (transformation dite partielle).
  • Numérique est effet de mode. Plus interpellant, près d’un tiers sont hésitants, voire sceptiques, puisqu’ils n’ont pas d’opinion (24%), ou pire, envisagent la transformation numérique comme un effet de mode comportant des risques et des coûts (8%).

Et si vous vous lanciez ?


La transformation numérique d'une entreprise ne se fait pas du jour au lendemain. Elle se fait pas à pas, collectivement et par itération. Mais par où commencer ? Pour démarrer, il est essentiel d’identifier les principaux défis qui vous serviront de point de départ et qui doivent soutenir la stratégie globale de votre entreprise. Pour y parvenir, évaluez la maturité numérique de votre entreprise et allez sur le terrain pour discuter avec vos collaborateurs. Rêvez cette nouvelle organisation ensemble. Cela vous permettra d’identifier les points importants qui devront être pris en considération : pensez à toutes les tâches que vous pourriez automatiser ou encore aux données que vous pourriez recueillir et exploiter pour faire apparaître de nouvelles opportunités. Et n’oubliez pas, lorsqu'il s'agit d'adapter la façon dont les collaborateurs travaillent, l’accompagnement et les facteurs culturels de l’entreprise sont des éléments essentiels à prendre en considération pour réussir. Ce n'est que lorsque ces facteurs seront pris en compte que les premiers défis pourront être relevés avec succès et susciter l'enthousiasme nécessaire pour poursuivre votre voyage numérique.

Le saviez-vous ?


L’Agence du Numérique a créé un pôle d’expertise dédié à cette thématique : le pôle « Humains et Société(s)». Il vise à mobiliser les organisations à développer une stratégie agile et responsable pour relever les défis humains et organisationnels de la transformation numérique.

Trois outils sont déjà disponibles :

Pour tout savoir sur les projets et les aides possibles, prenez contact avec l’un des experts de l'Agence du Numérique.

Pour en savoir plus

À propos de l'auteur.

Héloïse Leloup


Agence du Numérique