Etude et analyse

Publié le 16 janvier 2025

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Selon le rapport "State of Belgian Tech 2024", la Belgique a continué de se démarquer comme un acteur technologique émergent en Europe, malgré les défis liés à sa fragmentation culturelle et géographique.

Réalisé par Syndicate One, Bain & Company and Sofina, ce rapport révèle une dynamique encourageante, avec un écosystème en pleine évolutions sur plusieurs aspects :

  • croissance des investissements,
  • émergence de nouvelles licornes,
  • et maturation des structures de soutien.

Malgré ces succès, des fragilités persistent : pénurie de talents, des défis de financement pour les entreprises en phase de croissance, et des disparités régionales marquées.

Des investissements records stimulés par l’innovation et l’intelligence artificielle


Au premier semestre 2024, les start-ups technologiques belges ont attiré près de 470 millions d’euros, dépassant déjà le total annuel de 2023 (424 millions d’euros). Ce bond reflète une reprise rapide après le ralentissement mondial post-pandémie. La Belgique affiche une croissance plus rapide que de nombreux pays européens voisins, attirant particulièrement les investisseurs étrangers, qui représentent en moyenne 66 % des financements depuis 2020.

L’essor de l’intelligence artificielle (IA) est un moteur clé de cette croissance, avec plus de 70 % des capitaux investis dans ce domaine. Ce positionnement stratégique permet à la Belgique de saisir les opportunités liées à l’IA et de renforcer son image d’écosystème compétitif. En revanche, les investissements dans les applications, plateformes et marketplaces dominent, tandis que le financement des entreprises spécialisées en blockchain, après une croissance entre 2020 et 2022, a ralenti.

Les défis structurels


Malgré ses avancées, l’écosystème technologique belge reste confronté à plusieurs défis majeurs.

La pénurie de talents

Le principal obstacle identifié par les fondateurs de start-ups belges est le recrutement de talents expérimentés.

La difficulté à recruter des profils seniors freine leur développement. Ce problème est aggravé par un cadre fiscal peu incitatif, notamment pour les plans d’intéressement par actions (ESOPs), essentiels pour attirer et fidéliser les talents, mais complexes à mettre en œuvre en Belgique.

Le manque de financement

Un autre défi majeur est le manque de financements pour les entreprises en phase de croissance. Si les tours précoces (seed et série A) sont bien soutenus, les entreprises en phase avancée peinent à lever les fonds nécessaires pour s’internationaliser. Ce déficit pousse de nombreuses entreprises belges à chercher des financements à l’étranger, fragilisant ainsi leur ancrage local.

Cependant, la Belgique compte quatre licornes, symboles de son dynamisme technologique : Odoo, Collibra, team.blue et Deliverect. Ces entreprises montrent la capacité de la Belgique à produire des acteurs globaux capables de rivaliser avec les géants européens et mondiaux. Bien que significatifs, ces succès restent isolés et peu valorisés dans un pays trop modeste.

La Belgique pourrait s’inspirer de ses voisins européens, qui ont une présence médiatique et une participation accrue aux événements internationaux, mettant en avant leur expertise et savoir-faire. Un exemple souvent cité est celui de la French Tech, qui s’est imposée comme une véritable marque, constamment soutenue par le président Emmanuel Macron.

La fragmentation institutionnelle et culturelle

Cette séparation entre les régions constitue un frein à une coopération efficace.

Les structures de soutien, bien que nombreuses, manquent souvent de coordination, limitant l’impact des initiatives régionales et nationales.

Focus sur la Wallonie. Un potentiel inexploité à transformer

La Wallonie, représentant 23 % du PIB belge, est sous-représentée en investissements technologiques avec seulement 12 % des capitaux investis au premier semestre 2024 (contre 63 % pour la Flandre).

Pourtant, la région regorge d’opportunités inexploitées. Des entreprises comme Odoo (solutions ERP) et I-care (monitoring industriel) montrent que la Wallonie peut produire des champions technologiques. Ces succès, bien qu’encourageants, restent isolés dans un écosystème manquant de densité et de capitalisation sur ses forces.

Il est important de noter que ce rapport n’inclut pas l’écosystème des BioTech, considéré comme un secteur à part entière. Cet écosystème est prépondérant en Wallonie, avec un riche vivier de jeunes entreprises et de grandes entreprises de renommée mondiale.

La région souffre également d’un manque de financements diversifiés. Contrairement à la Flandre, qui bénéficie d’un écosystème entrepreneurial soutenu par des fonds privés et publics bien intégrés, la Wallonie reste fortement dépendante de structures comme Wallonie Entreprendre ou Noshaq. Cette dépendance limite la capacité des entreprises à lever des fonds à grande échelle et à attirer des investisseurs internationaux.

Cependant, des signes encourageants émergent. La connectivité croissante entre les régions, avec de nombreux fondateurs wallons se tournant vers Bruxelles pour développer et promouvoir leurs entreprises, crée des synergies prometteuses.

Il est crucial de continuer à soutenir les start-ups et de capitaliser sur les succès pour créer une véritable "mafia" d’entreprises du numérique, capable de représenter et de porter plus haut la voix de ce secteur. Cela créerait un cercle vertueux encourageant les entreprises, fondateurs, employés et investisseurs à réinvestir, créer ou rejoindre de nouvelles entreprises

Les entreprises face à leurs peurs et aspirations


Au cœur de cet écosystème, les entrepreneurs belges font preuve de résilience, mais leurs préoccupations sont nombreuses. Outre le recrutement de talents, ils soulignent la difficulté de concilier croissance rapide et contraintes administratives. Les lourdeurs réglementaires et les défis liés au financement à long terme freinent souvent leurs ambitions. Malgré tout, un optimisme prudent demeure. La majorité des fondateurs interrogés expriment leur confiance dans la capacité de leur entreprise à croître, à condition de bénéficier d’un soutien accru, notamment sur le plan fiscal et institutionnel.

Les aspirations des entrepreneurs sont claires. Ils appellent à une réforme des plans d’intéressement par actions, pour les rendre plus accessibles et alignés sur les standards internationaux. Une meilleure coordination nationale, inspirée de modèles comme Bpifrance en France, pourrait également transformer le paysage belge. Enfin, les start-ups plaident pour une valorisation plus forte de leurs réussites, afin d’attirer l’attention des investisseurs et d’inspirer la prochaine génération d’entrepreneurs.

Une opportunité unique à saisir


L’écosystème technologique belge en 2024 est à un carrefour. Avec des investissements records, une dynamique forte dans l’intelligence artificielle et des licornes emblématiques, le pays dispose de bases solides pour rivaliser avec les grands hubs européens. Cependant, des efforts concertés sont nécessaires pour lever les freins structurels, notamment en Wallonie, où le potentiel reste largement inexploité.

En renforçant la collaboration entre régions, en réformant le cadre fiscal et en soutenant les entreprises en phase de croissance, la Belgique peut transformer ses défis en opportunités. L’ambition est claire : devenir un acteur incontournable de la tech en Europe, en combinant innovation, inclusion et excellence. Le moment est venu pour la Belgique de passer à la vitesse supérieure

Téléchargez le rapport complet.

Pour en savoir plus

À propos de l'auteur.

Joris Bellenger


Agence du Numérique