Les obligations de reporting en matière de durabilité sont marquées par une avalanche d’acronymes : CSRD, ESG, ESRS, VSME, EFRAG, CSDDD, ... Le cadre réglementaire lui-même évolue constamment. Dans ce contexte, l’Agence du Numérique propose des repères clairs pour aider les entreprises à transformer ces obligations en levier de résilience et d’opportunité.
La CSRD. Un tournant pour le reporting durable
Adoptée en novembre 2022, la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) remplace la Non-Financial Reporting Directive. Elle impose de nouvelles obligations de transparence sur les impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
L’objectif est de fournir aux investisseurs, clients et partenaires des données fiables et comparables pour des décisions plus responsables.
Les ajustements envisagés par la proposition OMNIBUS
Le contexte évolue. Dans une proposition de la Commission européenne (proposition OMNIBUS), certains points clés (calendrier, seuils, simplifications) sont susceptibles d’être assouplis dans une perpective de simplification administrative. Il faut savoir que les éléments fondamentaux resteront tels quels mais que changements sont possibles. Il faudra anticiper efficacement les évolutions à venir.
Les fondamentaux qui ne changent pas
Trois objectifs majeurs de la CSRD :
- Améliorer la qualité et la comparabilité des données ESG.
- Harmoniser le rapportage via les ESRS (European Sustainability Reporting Standards).
- Encourager l’intégration de la durabilité dans la stratégie des entreprises.
Deux concepts structurants :
- Double matérialité : analyser l’impact des enjeux ESG sur l’entreprise et celui de l’entreprise sur la société et l’environnement.
- Chaîne de valeur : inclure les impacts chez les fournisseurs et partenaires pour une responsabilité partagée.
Ce qui pourrait évoluer avec la proposition omnibus
Dans la perspective de la volonté de simplification et de compétitivité de la Commission européenne, le nouvel "Omnibus package", encore en négociation, pourrait apporter de grand changements :
- Réduction du périmètre d’application : 80% des entreprises initialement concernées seraient exclues.
- Seules les entreprises de plus de 1000 salariés et ayant plus de 50 millions € de chiffre d’affaires ou 25 millions € de bilan resteraient soumises.
- Report des obligations pour les vagues 2 et 3 à 2028 ou 2029 au lieu de 2026 ou 2027.
- Exclusion des PME cotées du champ obligatoire, avec un format volontaire (VSME).
- Révision possible des normes ESRS, sans obligation de standards sectoriels.
Le VSME. Un format stratégique
La CSRD ne s’appliquera pas à la majorité des petites et moyennes entreprises. Toutefois, si une entreprise est fournisseur ou sous-traitant d’un grand groupe soumis à la CSRD, elle devra probablement lui transmettre des données ESG fiables. Cette exigence devient alors un élément fondamental dans la relation avec ces clients, eux-mêmes contraints de collecter ces informations.
Pour répondre à ce besoin, l’Europe a mis en place les VSME (Voluntary Sustainability Reporting Standard for non-listed SMEs), un format allégé qui présente plusieurs avantages :
- il réduit la charge administrative,
- il permet de structurer les données ESG,
- il renforce l’attractivité de l’entreprise auprès des grands comptes,
- il prépare à de futures obligations si le périmètre réglementaire venait à s’élargir.
Autrement dit, même si l’Europe cherche à simplifier les démarches pour alléger la charge administrative, la majorité des obligations légales restent bel et bien en vigueur. Par ailleurs, adopter dès maintenant le format VSME constitue un véritable levier de compétitivité : cela peut éviter la perte de contrats importants et positionner l’entreprise comme un partenaire fiable et durable.
Le rôle du numérique : à la fois outil et enjeu
Dans la mise en œuvre de la CSRD et du VSME, le numérique joue un double rôle. Il est à la fois un allié stratégique pour la gestion des données et un poste d’empreinte environnementale à prendre en compte.
Comme levier d’efficacité (IT4Green)
Les plateformes de rapportage, les solutions logicielles et les outils d’analyse permettent d’automatiser la collecte des données ESG, de fiabiliser les informations et de faciliter leur partage tout au long de la chaîne de valeur. Leur empreinte environnementale reste limitée au regard des bénéfices qu’ils apportent en matière de rigueur, de transparence et de gain de temps.
Comme enjeu en soi (GreenIT)
Les infrastructures IT, data centers, réseaux et équipements génèrent une empreinte énergétique et matérielle qu’il est essentiel de prendre en compte dans les calculs d’impact. Les intégrer au rapportage permet d’obtenir une vision fidèle de la réalité et d’identifier des leviers d’amélioration en matière de performance énergétique et circulaire.
En combinant IT4Green et GreenIT, les entreprises wallonnes s’engagent dans une réflexion systémique encore trop rare aujourd’hui, mais indispensable à la crédibilité de leurs engagements et à la cohérence de leur contribution aux transitions durables.
Pour approfondir la réflexion systémique intégrant à la fois le GreenIT et l’IT4Green, consultez les articles suivants :
Agir dès maintenant. Anticiper les obligations ou demandes de reporting
Même si certaines règles sont encore susceptibles d’évoluer, attendre la version finale serait une erreur stratégique. Que l'entreprise vise une mise en conformité complète à la CSRD ou une adoption volontaire du format VSME, les étapes à suivre sont similaires.
- Lancer une analyse de double matérialité. Cela implique d’identifier les enjeux ESG prioritaires, puis d’évaluer à la fois leur impact sur l'activité de l'entreprise et l’impact de des activités de l'entreprise sur la société et l’environnement.
- Mobiliser les équipes et partenaires. Il est essentiel de former les fonctions clés (direction, finance, RH, RSE, achats) et d’impliquer les fournisseurs dans la collecte des données et la définition des priorités.
- Structurer la gouvernance ESG. Cela peut passer par la création d’un comité de pilotage ou l’intégration du suivi dans une instance existante, comme un comité d’audit. Il faut clarifier les responsabilités et assurer un suivi régulier des avancées.
- Organiser la collecte de données. Commencer par cartographier les informations déjà disponibles dans l'entreprise et dans sa chaîne de valeur. Repérer les lacunes, identifier les sources fiables à mobiliser et privilégier un outil collaboratif adapté plutôt qu’un simple tableur. Cela facilitera la conformité aux normes ESRS ou au format VSME.
- Planifier une mise en conformité progressive. Définir un plan d’action par étapes, en priorisant selon les enjeux stratégiques de l'entreprises, ses ressources disponibles et ses échéances.
Consulter des rapports déjà publiés peut également aider à démystifier l’exercice, en privilégiant ceux issus d’entreprises du même secteur et de taille comparable pour disposer de repères pertinents. Découvrir également le guide pratique du Service Public de Wallonie, destiné à outiller les entreprises dans leur transition vers un reporting de durabilité structuré.
Conclusion
La CSRD ne se limite pas à une obligation réglementaire : elle constitue un véritable levier stratégique pour renforcer la résilience des entreprises, anticiper les attentes du marché et améliorer leur performance globale. Pour les grandes entreprises wallonnes, c’est un chantier structurant, dont les premiers résultats sont déjà visibles à travers les rapports publiés sur le site de l’EFRAG.
Pour les PME et TPE, le format VSME représente une opportunité concrète de se préparer, de consolider leur place dans la chaîne de valeur de leurs clients et de démontrer un engagement sincère en matière de durabilité. Cette démarche peut également devenir un puissant moteur de motivation et de fierté pour les équipes.
En mobilisant le numérique comme levier d’efficacité (IT4Green) tout en intégrant son propre impact environnemental (GreenIT), les entreprises s’engagent dans une réflexion systémique, encore trop rare mais essentielle à la crédibilité de leurs engagements.
Il est important de garder à l’esprit que le rapportage n’est pas une finalité. C’est une étape indispensable pour mesurer, comprendre et agir. L’enjeu réside dans la mise en œuvre d’actions concrètes et structurées, visant à réduire les impacts et à mitiger les risques dans un monde en constante évolution.
En s’engageant dès aujourd’hui dans cette dynamique, les entreprises ne se contentent pas de répondre aux exigences réglementaires : elles affirment leur rôle de partenaires fiables, renforcent la confiance de leurs parties prenantes et participent activement à la construction de transitions économiques, environnementales et sociales porteuses de sens et d’avenir.
À noter : une autre directive européenne, la CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive), visant à renforcer la vigilance sur les impacts environnementaux et sociaux dans la chaîne de valeur, devrait également entrer progressivement en vigueur, bien que ses exigences soient en cours d’assouplissement.