L'Agence du Numérique dans le cadre de sa mission d'accompagnement et d'accélération de la transformation numérique des entreprises wallonnes dresse un état des lieux de la facturation électronique en Wallonie et lance en collaboration avec l'UCM, le SNI, le SPW, la FWA ainsi que Wallonie Entreprendre une campagne de sensibilisation et d'information au sujet de cette obligation qui approche à grands pas.
En Belgique, la facturation électronique structurée deviendra obligatoire à partir du 1er janvier 2026 pour toutes les transactions entre entreprises assujetties à la TVA (B2B).
L'e-facturation ne s'appliquera pas aux ventes de biens et services destinés à des particuliers (B2C). En effet, les entreprises qui vendent exclusivement à des consommateurs finaux ne seront pas tenues d'émettre des factures électroniques structurées. En revanche, elles devront être en mesure de recevoir ce type de documents de la part de leurs fournisseurs, car ces transactions relèvent du cadre B2B.
Au-delà de la simple dématérialisation des documents, l’e-facturation constitue une opportunité d'optimisation plus large des processus (gain de temps, moins d’impressions papier, de relances manuelles, d’encodages multiples, etc). Cela permet également de réduire les coûts et d'améliorer la transparence des transactions.
Qu'en est-il en Wallonie ?
Au 1er avril 2025, le SPF Economie recensait un peu plus de 260.000 entreprises connectées à Peppol (Pan-European Public Procurement On-Line), contre 100.000 au 1er janvier. A rythme inchangé, un peu plus de 600.000 entreprises sur les 1.200.000 que compte la Belgique seront connectées pour le premier janvier 2026.
Il y a donc un risque réel de retard par rapport à la date butoir. Face à cette échéance imminente, l’Agence du Numérique a mené une enquête pour comprendre où en sont les entreprises wallonnes dans cette transition. L'objectif est d'identifier les formats de factures utilisés, leur traitement et les obstacles à l'adoption de la facturation électronique structurée. Cette analyse a été réalisée dans le cadre du baromètre "Entreprises 2025" qui sera publié en septembre prochain.
L'envoi des factures électroniques
Pour éviter toute confusion entre l'e-facturation et l'envoi de simples PDF par courriel, l'Agence du Numérique a analysé les formats de documents les plus couramment utilisés pour la facturation.
La facture structurée encore peu utilisée
Malgré l'échéance qui approche, l'adoption de la facture structurée ne décolle pas vraiment. En 2025, seulement 4% des factures sont structurées, un chiffre stable depuis 2022 (où il était de 6%, la différence étant dans la marge d'erreur). Cette pratique reste surtout l'apanage des grandes entreprises.
Néanmoins, il serait erroné de penser que le taux de facturation structurée en Wallonie se limite à 4%. En effet, à ceux-ci s’ajoutent 6% de factures encodées par des tiers (comptables et fournisseurs principalement) sur des portails dédiés. En tout, la facturation structurée atteint une dizaine de pourcents.
La véritable facture structurée utilise un format spécifique : l'UBL (Universal Business Language). C'est un standard international basé sur le langage XML, conçu pour l'échange électronique. Ces factures transitent via le réseau sécurisé Peppol, grâce à des points d'accès certifiés comme Mercurius, Billit, ClearFacts ou Factur-X d'Odoo.
Ces chiffres montrent que l’adoption de la facturation électronique en Wallonie progresse trop lentement à quelques mois avant l’échéance de 2026.
Des solutions existent mais des freins persistent
Cependant, il ne faut pas dresser de constat alarmiste. Depuis 2023, pas moins de 273 plateformes et logiciels ont déjà été certifiés pour la facturation structurée. Vous pouvez retrouver la liste complète de ces solutions sur le site officiel efacture.belgium.be, fruit de la collaboration entre le SPF Stratégie et Appui (BOSA) et le SPF Finances.
L'intégration de ces applications certifiées dans les logiciels comptables et de gestion fera significativement augmenter le taux de facturation électronique structurée d'ici 2026.
Les outils de facturation des entreprises wallonnes
Actuellement, plus de la moitié des entreprises wallonnes (53%) utilisent encore des logiciels bureautiques classiques comme Word ou Excel pour émettre leurs factures. Cette proportion est encore plus élevée chez les indépendants (66%).
Seulement 10% des entreprises utilisent des portails dédiés à la facturation structurée. Un chiffre qui corrobore que 6% des entreprises envoient leurs documents non structurés à des tiers (comme les experts-comptables) qui, eux, les encodent sur ces plateformes d'e-facturation structurée.
Les 35% d'entreprises qui utilisent un logiciel comptable pour leur facturation sont sur la bonne voie. En effet, la plupart de ces logiciels intègrent ou vont intégrer un module dédié à la facturation structurée. Seule ombre au tableau : l'ajout de ces modules d'e-facturation par les éditeurs de logiciels a un coût pour les entreprises clientes. Celui-ci peut se chiffrer en plusieurs milliers d'euros en fonction du niveau d'intégration et d'interopérabilité nécessaire avec leur système existant.
La CRECCB tire la sonnette d'alarme
La Compagnie Royale des Experts-Comptables et Conseillers fiscaux de Belgique (CRECCB), a soulevé plusieurs points d'inquiétude majeurs concernant cette transition :
- Manque d'information des entreprises. De nombreux dirigeants n'ont pas encore reçu de communication claire de l'administration fiscale. Bien qu'une campagne de communication soit en cours sur les sites du SPF Finances et du SPF Économie, ces plateformes ne sont pas des carrefours d'audience pour la plupart des indépendants et des très petites entreprises (TPE).
- Absence d'arrêté royal définitif. L'arrêté royal fixant les modalités d'application de la facture électronique n'est toujours pas publié. Ce retard freine les adaptations nécessaires des logiciels de facturation et de comptabilité.
- Capacité d'absorption des acteurs. Les vendeurs de logiciels et les bureaux comptables devront gérer l'inscription de quelque 900 000 entreprises d'ici le 31 décembre 2025. Leur capacité technique et informationnelle à absorber un tel volume reste une préoccupation.
Selon la CRECCB, la véritable transition pour les plus petites entreprises devrait commencer à la rentrée de septembre 2025, avec le soutien crucial des experts-comptables, qui s'attendent à une forte demande à ce moment-là.
L'arrivée des banques dans l'e-facturation
Une excellente nouvelle pour la facture électronique ! Plusieurs grandes banques belges (comme KBC, ING, BNP, etc.) ont annoncé en avril 2025 qu'elles allaient intégrer des services de facturation électronique structurée directement dans leurs plateformes pour les clients professionnels.
Cette fonctionnalité promet d'être "seamless", c'est-à-dire sans friction pour l'utilisateur, un peu comme la facturation "Zoomit" pour les particuliers. Le coût dépendra uniquement du volume de factures envoyées et reçues, rendant la solution flexible.
Des disparités sectorielles marquées
L'adoption de la facture électronique structurée varie grandement selon les secteurs. On la retrouve plus fréquemment dans le numérique et les télécoms (13%), l'industrie manufacturière (9%) et les garages (8%).
À l'inverse, des secteurs comme l'agriculture, le commerce de détail ou les activités associatives affichent des taux très faibles, autour de 1%. La majorité des entreprises y privilégient toujours l'envoi de factures par courriel avec PDF attaché. Le secteur de la santé, quant à lui, se distingue par une répartition égale entre les factures papier et les fichiers envoyés par courriel (48% chacun).
La réception des factures électroniques
La réception de factures structurées est encore très marginale en Wallonie, ne représentant que 1% des cas. Seules les entreprises de 99 employés et plus font exception. Comment expliquer ce faible taux ?
Plusieurs facteurs entrent en jeu. D'abord, une inégalité d'infrastructures : si les grandes entreprises peuvent émettre des factures structurées (notamment pour les marchés publics), les TPE/PME, qui constituent l'essentiel du tissu économique wallon, manquent souvent des systèmes pour les lire et les intégrer. Elles reçoivent donc majoritairement des formats plus classiques comme les PDF, souvent générés par leurs comptables à partir de documents pourtant structurés à l'origine.
Enfin, pour comprendre les taux, il faut prendre en compte le biais déclaratif des enquêtes. Les dirigeants peuvent surestimer leur capacité à émettre des factures structurées (surtout s'ils utilisent une solution certifiée) et, à l'inverse, sous-estimer ou même ignorer les formats qu'ils reçoivent par manque de connaissances techniques. Un fichier XML joint à un courriel, par exemple, n'est pas toujours identifié comme un document structuré.
Ces précautions d'interprétation s'appliquent à la fois à l'émission et à la réception des factures électroniques structurées.
Traitement des factures
En Wallonie, le processus de traitement des factures suit généralement quatre étapes clés :
- Réception. La facture arrive soit en version papier, soit par courriel sous forme de fichier joint (PDF, Word ou Excel).
- Encodage. Les données sont ensuite saisies manuellement dans le logiciel de comptabilité ou scannées pour une récupération automatique.
- Vérification. Chaque information (date, numéro, montant, fournisseur, etc.) est soigneusement contrôlée.
- Archivage. Enfin, la facture est stockée, que ce soit physiquement ou de manière électronique.
Pour les petites structures, le traitement automatique ou semi-automatique des factures structurées (UBL, XML) reste peu fréquent. Pourquoi ? Cela demande d'intégrer de nouveaux logiciels, ce qui bouscule souvent les habitudes administratives. De plus, cela implique une interconnexion avec les systèmes existants (logiciels comptables, ERP…), un défi qui pousse de nombreuses entreprises à se tourner vers la sous-traitance.
Freins à la facturation électronique
L'Agence du Numérique a identifié plusieurs obstacles majeurs à l'adoption de la facture électronique structurée par les entreprises wallonnes :
- Volume de factures insuffisant (40%). C'est le principal frein. De nombreuses entreprises estiment que leur volume de factures est trop faible pour justifier les investissements nécessaires à cette transition.
- Manque de clarté (29%). Près d'un tiers des entreprises avouent ne pas connaître les implications concrètes de cette réforme.
- Offre du comptable inadaptée (10%). Certaines entreprises regrettent le manque de services adaptés proposés par leur expert-comptable.
- Complexité technique et manque d'infos (9%). La complexité perçue des formats structurés (XML/UBL) et un déficit général d'informations freinent également l'adoption.
- Difficultés d'adaptation interne (7%). Enfin, certaines entreprises rencontrent des problèmes pour adapter leurs processus comptables internes aux nouvelles normes.
Conclusion
En Wallonie, le traitement manuel des PDF envoyés par courriel reste la norme pour les petites entreprises. C'est simple et peu coûteux, mais cela limite l'automatisation.
En mai 2025, le taux de facturation électronique structurée oscille donc encore entre 1% et 10% selon la taille des entreprises.
La véritable transition vers la facture électronique structurée se fera principalement sous l'impulsion réglementaire, et fortement appuyée par les experts-comptables. Ces derniers se positionnent en première ligne pour aider les entreprises à franchir le pas. La lenteur de l'adoption s'explique en partie par un manque de sensibilisation et d'information auprès des dirigeants, un constat partagé par de nombreux acteurs comme l'UCM ou le Syndicat Neutre pour Indépendants, les fédérations de comptables, etc.
Pour relever ce défi, ces partenaires ont déjà lancé des actions dès septembre 2024 pour faciliter cette transition. L'objectif est clair : réduire au maximum le nombre d'entreprises wallonnes qui ne respecteraient pas la nouvelle réglementation belge au 1er janvier 2026.
Initiatives des partenaires
Face à l'urgence et au manque d'information, plusieurs fédérations professionnelles ont mis en place des programmes d'accompagnement dédiés pour aider les entreprises wallonnes à passer à la facturation électronique structurée.
L'UCM avec ses 47 fédérations, a lancé un programme d'actions financé à hauteur de 70 000 € dans le cadre de la stratégie numérique de la Wallonie, Digital Wallonia :
- 6 webinaires gratuits qui ont connu un vif succès, avec 481 inscrits et un taux de participation de 82,5% pour la première session du 18 février 2025, soit près du double des taux habituels ! Les sessions suivantes ont rapidement affiché complet, nécessitant des listes d'attente et l'envoi systématique de rediffusions aux inscrits.
- Envoi de mails à 116 300 membres de l'UCM a généré d'excellents taux d'ouverture (entre 46% et 50%).
- 8 "Cafés Conseils" dans toute la Wallonie (Nivelles, Suarlée, Namur, Charleroi, Waterloo, Ath, Liège, Luxembourg) pour les professionnels du chiffre, réunissant plus de 400 participants.
- D'autres événements en présentiel, comme le "Midi des Fédés" ou le Salon Digitalize, ont également abordé le sujet.
- Pour compléter, l'UCM a mis à disposition une vidéo explicative sur YouTube et publié trois articles dans son magazine (tiré à 40 000 exemplaires) et sur son site web.
De son côté, le Syndicat Neutre pour Indépendants (SNI) a adopté une approche complémentaire, avec un budget similaire de 70 000 €, en se concentrant sur un accompagnement technique et sectoriel ciblé. Parmi ses actions, citons :
- La formation des intermédiaires professionnels, organisant deux sessions dédiées aux comptables en Wallonie (54 participants à Gosselies et 60 à Liège en mai 2025), formant ainsi 114 professionnels du chiffre en partenariat avec la CRECCB.
- La création de synergies avec l'Union Nationale des Professions Libérales (UNPLIB) pour intégrer la facturation électronique comme thème central de leur symposium de mai 2025, touchant ainsi de nombreuses professions libérales (médecins, pharmaciens, etc.) moins directement concernées.
- La formation de deux juristes francophones pour un support juridique continu des membres du SNI .
- L'organisation de 3 webinaires spécialisés pour les associations de commerçants, les indépendants et les professions libérales.
Cette stratégie vise à bâtir un écosystème d'information solide.
Ces initiatives ont bénéficié de partenariats gratuits avec le SPF Bosa, le SPF Finances et des fournisseurs de solutions, optimisant les budgets tout en assurant une expertise institutionnelle de qualité.
Faciliter la transition
L'analyse des retours du terrain met en lumière plusieurs axes d'amélioration essentiels pour optimiser la transition vers l'e-facturation.
- Accompagnement continu. Le baromètre PME de l'UCM du premier trimestre 2025 révèle que si 84% des entreprises sont conscientes de l'obligation, 60% ne maîtrisent pas encore les implications pratiques de celle-ci. Dès lors, il est crucial de prolonger les programmes d'accompagnement au-delà de juin 2025, car de nombreux entrepreneurs agissent à la dernière minute. Une communication continue via les canaux traditionnels et numériques jusqu'à fin 2025 est indispensable pour éviter que les fournisseurs de solutions ne soient débordés.
- Communication officielle renforcée. Les entreprises réclament des courriers personnalisés de l'administration fiscale, avec des conseils clairs, à l'instar d'autres obligations. Actuellement, la communication se limite principalement aux sites web du SPF Finances et du SPF Économie, qui ne sont pas toujours consultés par les indépendants et TPE.
- Publication rapide de l'arrêté royal. La finalisation de l'arrêté royal définitif est urgente. Sa publication permettra aux éditeurs de logiciels et prestataires de services d'adapter leurs solutions et de mieux se préparer à accueillir les 900 000 inscriptions attendues d'ici le 31 décembre 2025. C'est d'autant plus important que les défis techniques d'interopérabilité ne sont résolus que très récemment (mai 2025).
- Aides financières ciblées. Un dispositif d'aide financière pour les très petites entreprises et les indépendants en fin de carrière pourrait lever le principal obstacle économique. En effet, 40% des entreprises estiment que leur volume de factures est trop faible pour justifier les investissements nécessaires à la migration.
- Coordination des acteurs. Mettre en place un mécanisme de coordination entre les administrations, éditeurs et organisations professionnelles garantirait une information cohérente. Cela permettrait également d'éviter les "webinaires commerciaux déguisés" qui visent à vendre des solutions sous couvert d'explications de la réglementation.
A vos agendas !
L'Agence du Numérique en collaboration avec ses partenaires organise deux séances d'information afin de sensibiliser les entreprises concernées par cette mise en conformité d'ici 2026 :
- E-facturation dans le secteur privé : cap sur la conformité pour 2026. Rendez-vous le 3 juillet 2025 de 9h45 à 13h30 au Moulin de Beez.
Pour en savoir plus
Sandrine Quoibion
Agence du Numérique
Hélène Raimond
Agence du Numérique