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Publié le 19 février 2025

Face à un monde en mutation rapide, l'industrie textile fait face à un double défi : s’adapter aux exigences croissantes en matière de durabilité et réfléchir à la modernisation de ses outils de production et de gestion opérationnelle afin d’améliorer les performances des entreprises. Cette réflexion inspirée de témoignages d'experts s'inscrit dans le cadre du programme Industrie du Futur de Digital Wallonia.

Face à la pression économique, aux attentes environnementales, à la nécessité d'améliorer la compétitivité face à une concurrence croissante et aux demandes des clients et des régulateurs, les entreprises du secteur textile doivent faire des choix stratégiques déterminants. La transition numérique et durable offre des opportunités, mais elle soulève aussi de nombreuses questions, surtout pour les PME qui dominent le paysage textile en Belgique.

Comment investir efficacement avec des ressources limitées ? Comment intégrer des technologies innovantes tout en maintenant un modèle de production viable ? Autant de questions auxquelles les acteurs du secteur tentent de répondre en explorant des solutions adaptées à leurs réalités économiques et industrielles.

Un secteur diversifié face à des enjeux majeurs


"Le secteur textile est très diversifié : textile d'intérieur (tapis, tentures, linge de maison, ameublement), textiles techniques (médical, protection, véhicules), textile d’habillement, production de fils, etc. En Belgique, il représente 17.000 travailleurs et 550 entreprises, avec 75 % du chiffre d’affaires orienté vers l'export", explique Jean-François Pinget, conseiller Affaires Économiques chez Fedustria.

Cependant, malgré son importance économique, le textile wallon et bruxellois fait face à des défis majeurs.

Le défi structurel

Près de 90 % des entreprises du secteur sont des PME, dirigées par des chefs d’entreprise souvent débordés et disposant de peu de temps et de moyens pour investir dans la transition numérique.

Le défi environnemental

La Commission européenne a publié en 2022 une stratégie pour des textiles durables et circulaires, mettant l'accent sur la réduction de l'empreinte environnementale et la transparence dans la chaîne de valeur.

Cette transition nécessite des ajustements dans la conception des produits, la sélection des matériaux, les processus de production, et le recyclage fibre à fibre de haute qualité.

Parmi les initiatives clés, on peut citer l’introduction d'un passeport numérique pour les produits, contenant des informations sur la durabilité et l'impact environnemental durant le cycle de vie.

Pierre Lorquet, chargé de Mission dans le cadre du programme Industrie du Futur à l’Agence du Numérique, souligne que cette transition est nécessaire mais compliquée par le contexte actuel, marqué par des défis économiques, géopolitiques et environnementaux. Les chefs d'entreprise doivent jongler avec de nombreux enjeux stratégiques tout en assurant la continuité de leur activité.

De plus, il existe une disparité entre les grandes structures et les plus petites. "En Wallonie, seules une dizaine d'unités de production sont à l'échelle industrielle, le reste étant constitué de petites, voire très petites structures", explique Philippe Collignon, consultant en économie circulaire chez Centexbel. "Pour certaines grandes entreprises comme Beaulieu International Group ou Sioen Industries, la numérisation ne se pose pas du tout de la même manière que pour les toutes petites structures, éventuellement les entreprises sociales". Pour ces grandes structures, la transformation numérique est souvent décidée au niveau du groupe, tandis que pour les PME, elle est plus difficile à enclencher faute de moyens.

Le numérique et la durabilité. Une synergie à exploiter


Malgré ces obstacles, la transition numérique et durable représente une véritable opportunité pour le secteur. Jean-François Pinget insiste sur l'importance d'investir dans des technologies innovantes. "Par exemple, la technologie industrielle et le durable se rejoignent dans le tri et la caractérisation des produits, avec des technologies comme la détection par intelligence artificielle des différents composants des textiles et la séparation des matériaux par découpe laser (toujours en R&D). Des entreprises comme Resortecs montrent la voie avec leur technologie "Smart Disassembly", un processus entièrement automatique permettant de désassembler les produits textiles tout en retirant les fermetures éclair, les élastiques et autres garnitures, offrant des niveaux de pureté de la matière première supérieurs à 90 %", explique-t-il en citant la start-up bruxelloise.

La transition numérique ne doit pas être perçue comme un frein, mais comme un moteur de compétitivité. Pierre Lorquet insiste sur cette complémentarité entre numérisation et durabilité : "Le secteur textile, comme tous les secteurs, doit se moderniser grâce aux technologies numériques pour atteindre l'excellence opérationnelle de la productivité, de la qualité. Certaines activités, comme le contrôle qualité, restent manuelles et sont actuellement difficiles à numériser. Il est donc crucial de maintenir l’expertise des collaborateurs et d’organiser la transmission des connaissances. La numérisation des processus et la durabilité, bien gérées, peuvent être très complémentaires. Il existe de véritables synergies dans la combinaison de la numérisation des processus, de l'utilisation de technologies numériques et de l'amélioration de l'impact environnemental de l'entreprise."

Un accompagnement nécessaire pour réussir la transition


Pour réussir cette transformation, un accompagnement est essentiel. Jean-François Pinget estime que Fedustria doit sensibiliser, accompagner et supporter ses entreprises membres dans cette transition, avec l’aide de l’Agence du Numérique dans le cadre du programme Industrie du Futur de Digital Wallonia.

Ce programme vise à améliorer la compétitivité et les performances des entreprises manufacturières wallonnes par l’utilisation des solutions numériques. Plus de 800 entreprises ont déjà bénéficié de ces services.

Cependant, d’autres problématiques doivent également être résolues, notamment pour les entreprises sociales dans le tri, le recyclage qui font face à un dilemme entre l'utilisation de la technologie pour faciliter le travail et leur mission de mettre des personnes en difficulté à l’emploi.

Philippe Collignon explique que ces entreprises sont conscientes qu’à un moment donné, la technologie doit être intégrée pour assurer la pérennité de leur activité.

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