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Publié le 19 février 2014

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La ville intelligente constitue-t-elle une réponse pertinente au défi global de l’explosion démographique urbaine? Quels chantiers prioritaires pour la ville intelligente? Retour sur la conférence la ville 2.0, objectif 2020.

La "smartcity" ou "ville intelligente" constitue-t-elle une réponse pertinente au défi global de l'explosion démographique urbaine? D'ici 2050 on comptera plus de 6 milliards de personnes vivant dans une ville contre 3,6 milliards aujourd'hui. Le quotidien britannique The Guardian a ainsi estimé que, chaque année, la planète ne comptera pas moins de 60 millions de nouveaux urbains. Cette attractivité métropolitaine nécessiterait la création d'une ville nouvelle d'un million d'habitants tous les cinq ans, essentiellement dans les pays émergents.

A l'heure de la prise de conscience collective touchant à la rareté des ressources naturelles, aux limites des modèles urbains existants ou encore à la nécessité de la réinvention du fonctionnement des services publics locaux, le concept de ville connectée et durable s'est progressivement imposé comme l'une des réponses possibles à ces différents défis.

Le numérique et la troisième révolution de la ville contemporaine


Le numérique constitue la troisième révolution organisationnelle majeure pour les systèmes urbains contemporains, après le passage à l'électricité puis l'introduction et la massification de l'usage automobile.

Nécessité faisant loi, la "ville intelligente" a aujourd'hui investi la sphère du débat public, tant dans les pays en voie de développement que dans les états industrialisés. Il ne se passe plus une semaine sans qu'une nouvelle métropole n'annonce son intention de développer un projet en ce sens. Toutefois, il est encore extrêmement difficile de cerner ce que recouvre exactement le concept de ville intelligente, tant il apparaît comme polysémique, voire parfois même évanescent.

Portées par la vague numérique, et en particulier l'identification des gisements de données d'une part et l'accélération des usages mobiles qui se sont construits autour du smartphone d'autre part, ces initiatives surfent aujourd'hui trop souvent sur ce que Daniel Kaplan de la FING (Fondation Internet Nouvelle Génération) a appelé les trois "impasses conceptuelles de la ville intelligente":

  • la ville servicielle,
  • la ville système,
  • la ville pouvoir.

L'utopie de la rationalisation et de l'efficacité par la technologie ne doit pas en effet masquer la capacité de résilience et d'adaptation dont les villes ont fait preuve au cours de l'histoire. Ces sujets sont notamment évoqués dans i la présentation "Smart & Light City, alléger la ville" et l'article "Les première pistes d'innovation d'alléger la ville" de la FING.

Trop longtemps, on a ainsi envisagé la ville intelligente dans une dimension avant tout technologique. Conçue comme un gigantesque tableau de bord permettant de contrôler et d'optimiser les process urbains, cette vision est notamment mise en œuvre dans le cadre de villes nouvelles exclusivement construites autour de l'innovation technologique.

Quand on évoque la ville maîtrisée par la technologie, on songe par exemple à l'un des projets-phares au niveau mondial : la ville de Songdo en Corée du Sud. Emblématique de la cité vitrine en matière de technologies numériques, Songdo est également souvent présenté comme une forme de cauchemar orweillien ou la recherche continue de l'optimisation informatique aboutirait à une traçabilité permanente des individus qui y résideront. Songdo, qui accueille aujourd'hui plus de 68.000 habitants, est déjà réputée pour la qualité de son environnement et de la densité de ses établissements d'enseignement. Toutefois, le projet reste encore loin de sa réalisation finale car il doit encore s'étendre sur dix ans.

Masdar représente une autre illustration de cette tendance au tout-technologique. Bâtie à trente kilomètres d'Abou Dhabi dans les Emirats Arabes Unis, c'est une ville nouvelle de 5km2 qui doit accueillir, à terme, 40 000 habitants.

L'objectif affiché par les pouvoirs publics est de construire une ville zéro émission et exemplaire en matière de gestion et recyclage des déchets. Ainsi, la circulation automobile y a été bannie au profit de navettes urbaines automatisées et de bus électriques. Même si Masdar a vu son budget réduit sous l'effet de la crise financière, cette ville nouvelle veut être avant tout une forme d'incubateur mondial pour les énergies renouvelables et les bâtiments à haute efficacité énergétique.

La ville devient un système d'exploitation ouvert et proactif


La ville intelligente serait trop souvent envisagée de manière uniforme car elle reposerait sur des outils numériques indifférenciés. La typologie de l'intelligence urbaine et les classements internationaux qui en résultent ne donnent donc souvent qu'une vision partielle du véritable potentiel d'une ville intelligente, en fonction de ses différentes spécificités historique, économique, culturelle ou sociale.

En écho à cette indifférenciation, on assiste à une réappropriation citoyenne du concept de la ville intelligente. Le développement de la culture numérique couplée à l'accessibilité de plateformes participatives facilitent l'éclosion de dynamiques d'innovations technologiques et non technologiques. Cette créativité partagée invite les citoyens à devenir les co-producteurs des services innovants de la cité. Ainsi, le citoyen, via des outils logiciels et matériels open source, est amené au cours des prochaines années à devenir l'allié naturel de l'administration locale dans la définition et l'élargissement de services au public. L'intelligence de la ville devient alors collective et les projets issus de cette participation citoyenne évoluent selon un mode que l'on pourrait qualifier "d'anarchie managée" sans véritable leadership.

L'opposition entre une vision où la réalisation de la ville intelligente ne découlerait exclusivement que d'innovations technologiques poussées par des sociétés commerciales soutenues par les pouvoirs publics et celle de l'activation du tissu local associatif et citoyen, n'est pourtant qu'apparente. Comme l'a écrit Marc Andreesen, nous sommes entrés dans une phase d'industrialisation du numérique où "le logiciel dévore le monde". Le numérique ne s'ajoute plus à notre monde mais il s'y substitue en fusionnant les environnements numérique et physique. La ville n'échappera pas à ce phénomène d'algorithmisation de la société.

Cette nouvelle réalité aura deux conséquences majeures.

  1. Il conviendra de concevoir la ville intelligente à l'image d'un véritable système d'exploitation sur lequel viendront se greffer toute une série d'applications de nature publiques et privées.
  2. La ville ne deviendra véritablement intelligente que si celle-ci adopte un mode de fonctionnement proactif en lieu et place du mode réactif qui la caractérise historiquement. Cette proactivité trouvera son origine dans la capacité du futur logiciel urbain à traiter l'ensemble des données produites à des fins prédictives. A l'ère numérique, l'instantanéité et la prédictibilité deviennent donc les nouveaux étalons de mesure de l'efficience des systèmes urbains.

La réconciliation des approches technologique et humaine apparaît donc prioritaire si les villes veulent intégrer cette reconfiguration irréversible de l'espace et des services urbains. Afin d'atteindre cet objectif, il sera indispensable d'évaluer préalablement quels sont les grands axes prioritaires à mettre en œuvre afin de leur conférer un phasage cohérent.

Quels chantiers prioritaires pour la ville intelligente?


Parmi les thématiques prioritaires de nature générique relatives à la ville intelligente on peut notamment retenir la typologie suivante:

  • Processus internes de la ville et gestion de la relation citoyenne.
  • Aménagement numérique du territoire et reprogrammation de l'espace public.
  • Cadre de vie, mobilité, sécurité et environnement.
  • Solidarités numériques.
  • Education et culture.
  • Participation citoyenne.

Processus internes de la ville et gestion de la relation citoyenne

L'objectif consiste ici à fluidifier le fonctionnement et la gestion des services internes de la ville afin d'améliorer l'offre de services à destination des administrés.

La Ville intelligente vise donc dans cette approche à repenser la gestion de la relation citoyenne via la dématérialisation des procédures et les formulaires en ligne, la personnalisation accrue des services grâce notamment au téléphone mobile ou encore via une approche dynamique de la tarification de certains services publics (exemple du parking en centre-ville).

En interne, les services communaux pourraient également développer l'innovation ascendante au sein des équipes en valorisant les initiatives personnelles faisant ainsi des structures communales de véritables incubateurs des nouvelles formes de gouvernance numérique.

Recommandations de l'Agence du Numérique.

  • Approfondir les programmes engagés en matière de dématérialisation des procédures en identifiant l'impact du numérique sur les quatre phases de la gestion de la relation citoyenne, c'est-à-dire: information, interaction, transaction, et intégration.
  • Explorer les pistes permettant d'accroître la personnalisation des services via le recours aux applications mobiles (City Apps).
  • Identifier et libérer les gisements de données permettant de valoriser l'information publique locale au profit de la collectivité.
  • Mettre en œuvre des systèmes ouverts et accessibles de représentation et de visualisation des données publiques (web, mobilier urbain intelligent, etc.).

Aménagement numérique du territoire et reprogrammation de l'espace public

Le numérique n'abolit nullement l'espace urbain mais reprogramme celui-ci en le faisant changer de nature. La ville est aujourd'hui traversée par toutes une série d'occurrences portées par les usages numériques ubiquitaires notamment sous l'effet du recours généralisé à des terminaux mobiles (exemple: mon application mobile m'informe que mon bus arrivera dans 5 minutes). Ces occurrences reconfigurent et "augmentent" l'espace urbain dans lequel nous évoluons quotidiennement.

Dès lors, créer la ville intelligente c'est aussi rendre celle-ci plus lisible. Or, si le numérique réinterprète l'espace, il réduit notamment le besoin de composition urbaine, comme l'affichage d'informations par exemple. Sous l'effet de la massification des usages numériques (géolocalisation, applications mobiles, réalité augmentée, objets communicants, etc.), nos repères se trouvent modifiés par rapport aux ordres spatiaux traditionnels. Cette reconfiguration du rapport à l'espace ouvre de nouvelles perspectives en matière de mobilier urbain et de signalétique dans la ville. Les murs intelligents, les codes-barres 2D, les tags de réalité augmentée ou encore les technologies sans contact (NFC) ne sont qu'une infime partie des ressources susceptibles de construire une signalétique alternative correspondant aux nouveaux usages des citoyens.

L'autre aspect de la reconfiguration de l'environnement urbain se traduit par les actions en faveur de la réappropriation de l'espace public par le citoyen à l'aide du numérique. Le développement de la ville connectée et durable passe en effet nécessairement par l'accessibilité à un portefeuille de services via des réseaux adaptés. Que ceux-ci soient fixes ou sans fil, cette question constitue une approche centrale pour les initiatives des villes.

Déployer un réseau WiFi Urbain pourquoi faire?

  • La collectivité publique utilise le réseau WiFi métropolitain comme un outil supplémentaire de gestion de la relation citoyenne (GRC). La page de connexion peut notamment orienter les visiteurs vers les principaux sites en rapport avec les actions de visibilité de la collectivité (administration, tourisme, asbl, commerce local, etc.). Le réseau WiFi métropolitain constitue alors naturellement un canal supplémentaire de communication et d'information vers les citoyens. Dans certains cas, le réseau WiFi métropolitain peut même soutenir des actions locales de lutte contre la fracture numérique (quartiers en requalification urbaine) ou encore contre l'isolement de certaines personnes (personnes âgées malades ou souffrant de handicaps),
  • La collectivité publique utilise le réseau WiFi métropolitain pour améliorer le fonctionnement de certains services existants (communication entre différentes structures publiques VoIP, accès Internet pour les applications mobiles professionnelles des services publics locaux) et de services nouveaux, source de productivité et par conséquent d'économies, notamment le recueil de données relatives à la gestion du trafic urbain, du stationnement payant, ou encore de la sécurité via un système de vidéosurveillance recourant à un réseau de caméras IP sans fil par exemple.

En vue du déploiement d'un WiFi urbain, certains points d'attention devront être relevés, parmi ceux-ci on peut notamment citer:

  • le choix d'un opérateur et la constitution d'un partenariat sont soumis au respect de la législation sur les marchés publics,
  • la nécessité d'approfondir la réflexion sur les modèles économiques des réseaux WiFi urbains (avec une orientation vers des modèles mixtes de type freemium),
  • la conciliation étroite des déploiements de type 3G et la 4G avec des initiatives publiques et/ou privées en matière de connectivité urbaine sans fil,
  • la mutualisation des efforts des différents acteurs impliqués, notamment en matière de plateforme de services en ce qui concerne pour le client l'accessibilité (identification et authentification) et le passage sans coupure de communication entre les différents réseaux via des protocoles existants ou émergents type EAP-SIM et Passpoint.

S'inscrivant dans le cadre d'une politique globale du Gouvernement wallon et des mesures du Master Plan TIC, le programme Digital Cities de Creative Wallonia consiste à installer une infrastructure WiFi robuste, fiable et sécurisée au sein des agglomérations wallonnes. Il s'agit ainsi, non seulement, de permettre l'accès à l'Internet sans fil mais également de proposer, aux citoyens wallons et aux touristes, une large gamme d'e-services gratuits permettant de renforcer l'attractivité des centres urbains wallons. Alors que six villes (Mons, Liège, Namur, Tournai, Ottignies-Louvain-la-Neuve et Bastogne) sont déjà concernées par la première phase de ce projet, qui devrait être étendu à d'autres villes dans un futur proche.

L'accès aux infrastructures numériques passe souvent par une meilleure connaissance de la cartographie des réseaux existants mais également par une utilisation, le cas échéant, de réseaux alternatifs permettant de faciliter la diffusion d'une intelligence ambiante dans la cité. On songe alors plus spécialement à des infrastructures réservées à la communication entre machines (M2M) ouvrant ainsi la voie à la mise en réseau des différents capteurs disséminés sur le territoire urbain.

Il peut également s'agir de l'utilisation de réseaux en champ proche comme le Near Field Communication (NFC) ou Bluetooth Low Energy (BLE) pour faciliter le contrôle d'accès, l'accès à des informations locales, l'identification ou encore le paiement. Ces développements vont directement impacter l'environnement physique puisqu'il sera dès lors possible de connecter n'importe quel objet et notamment les éléments constitutifs du mobilier urbain.

L'aménagement numérique du territoire passe également par l'activation des différents "tiers-lieux", c'est-à-dire cette collection d'espaces physiques dédiés aux nouvelles formes d'apprentissage, de collaboration et de travail (EPN, centres de coworking, FabLabs, etc.). La mise en réseau, grâce aux technologies numériques, de ces différents espaces apparaît comme un préalable au développement de l'innovation et de la créativité urbaine.

Enfin, l'aménagement numérique du territoire passe également par l'activation du tissu entrepreneurial et, notamment, celui des startups qui sont le carburant des villes intelligentes. Il convient, dès lors, de faciliter l'accès de ces jeunes entreprises aux marchés publics, d'une part mais également "d'augmenter " les service urbains grâce à l'innovation portée par ces sociétés d'autre part.

De ce point de vue, ces acteurs privilégient une culture de l'accélération par rapport à celle de la subvention. Des expériences-pilotes, relayées par les appels d'offres ciblés pourraient dès lors constituer une source accrue de développement et de visibilité pour ces jeunes pousses du numérique. A la croisée de l'économie du partage, du crowdsourcing et des réseaux sociaux, ces startups civiques forment un nouvel écosystème qui constituera un des moteurs de la co-conception et de la co-exploitation de services avec les autorités locales. Toute entreprise permettant d'échanger plus facilement entre les citoyens et l'administration locale est éligible à cette définition. Leur développement est synonyme à la fois de plus grande efficacité, de réduction de coût et d'accroissement de la transparence. Elles concernent des champs d'activités aussi divers que la qualité de vie, le tourisme, la mobilité urbaine ou encore l'éducation.

Recommandations de l'Agence du Numérique

  • Etablir une cartographie des situations existantes en matière d'infrastructures numériques et identifier les technologies de réseau les plus appropriées pour atteindre les objectifs fixés dans un schéma local de développement numérique.
  • Concevoir le développement de ces infrastructures dans la perspective d'une ville "Plug In " (Open API) sur laquelle les services publics et privés pourront venir aisément se connecter.

Cadre de vie, mobilité, sécurité et environnement

Cette thématique apparait comme centrale dans l'opérationnalisation des projets de villes intelligentes car elle touche directement à la vie quotidienne des administrés. L'impact du numérique peut, dès lors, prendre plusieurs formes, comme par exemple la mise en place de capteurs mesurant différents paramètres urbains (flux de circulation et parkings, gestion énergétique des bâtiments, régulation de l'éclairage urbain, vidéoprotection, etc.).

Tous les grands projets de villes intelligentes recourent aujourd'hui à l'utilisation de réseaux de capteurs pour recueillir des données sur l'environnement urbain. La ville de Chicago collecte ainsi, quotidiennement, 7 millions de données brutes. Selon le Cabinet d'études IDC, les dépenses globales des villes intelligentes relatives aux objets connectés représenteront 265 millions de dollars en 2014. Par ailleurs, ces projets seront facilités par la migration de l'informatique vers le cloud computing. On estime ainsi que, en 2014, 15 à 20% des dépenses IT liées aux projets de villes intelligentes seront réorientées vers le cloud computing.

Concernant plus spécifiquement le déploiement de capteurs urbains, parmi les exemples les plus significatifs en Europe, on peut notamment citer:

  • la métropole lyonnaise, via le projet Optimod'Lyon, qui vise à optimiser le transport de personnes et de marchandises. Dans le cadre d'un consortium réunissant des acteurs privés mais également des universités et des centres de recherches, la ville a mis en place une plateforme numérique permettant de mieux prévoir la charge de trafic afin de fluidifier celui-ci, tout en contribuant de façon significative à la réduction des émissions de CO2. Cette plateforme délivre aujourd'hui des services pouvant, le cas échéant, offrir des solutions de monétisation pour son maintien et son développement;
  • des villes de taille moyenne, comme Santander en Espagne, recourent également à des réseaux de capteurs pour collecter et redistribuer de l'information à ses citoyens. Financé en majeure partie par l'Union européenne (9 millions d'euros de budget), le projet Smart Santander est spécifiquement axé sur l'Internet des Objets (IoT) au service de la ville intelligente. Grâce au déploiement de 10.000 capteurs intelligents répartis sur 6 km², la ville dispose dorénavant de données extrêmement précises en matière de température, humidité ou encore pollution atmosphérique et sonore. Ce système de données est accessible aux habitants via une application mobile. Les citoyens peuvent donc également contribuer, via leur smartphone, à la collecte de données;
  • Nice, en France, a mis en place des capteurs afin de faciliter le parking urbain. Partant du constat qu'aux heures de pointe un conducteur met en moyenne 30 minutes pour trouver une place de stationnement en centre-ville, alors que dans le même temps 8% des places de parking restent en permanence disponibles, la ville a équipé 10.000 emplacements de capteurs. Une fois géolocalisé, le conducteur est guidé, en temps réel, vers les emplacements disponibles via une application mobile, ainsi que via l'affichage urbain.

Recommandations de l'Agence du Numérique

  • Anticiper cette vague de déploiement technologique en intégrant cette dimension dans les futurs marchés publics (servitudes numériques) et dans les projets de génie civil.
  • Utiliser le numérique pour faciliter la mixité fonctionnelle des lieux publics.
  • Rechercher les autres pistes d'économies possibles dans les Partenariats Public Privé (PPP) concernant le traitement des données et le conseil.
  • Envisager d'étendre le champ du recueil des données via la participation citoyenne en outillant les habitants dans cette perspective (applications mobiles, capteurs open hardware, etc.).

Solidarités numériques

L'intelligence de la ville, c'est avant tout celle des personnes qui la composent. Dès lors, les enjeux de la numérisation de la ville doivent nécessairement entrer en résonnance avec ceux de la mixité sociale et générationnelle.

Les villes intelligentes et solidaires doivent donc constituer le creuset d'une nouvelle génération de services numériques permettant de rompre l'isolement des personnes les plus fragiles (personnes souffrant d'handicap, seniors en situation de dépendance, etc.). Le numérique apparaît alors en tant qu'outil de réappropriation de l'espace collectif et non comme vecteur d'isolement. L'innovation solidaire peut alors prendre la forme d'un mix d'initiatives technologiques et non technologiques.

D'une part, dans une perspective où les réseaux numériques peuvent être considérés comme "bienveillants ", et dans le respect de la vie privée des personnes, on peut imaginer une extension des capteurs urbains au domicile de certaines personnes dépendantes ou malades afin d'améliorer la prise en charge et les traitements.

D'autre part, les technologies numériques introduisent de nouvelles formes de travail facilitant la collaboration et l'échange d'informations entre les soignants et les services locaux en charge de l'aide sociale par exemple. Ce décloisonnement des initiatives sous l'effet du numérique constitue une réponse concrète aux défis démographiques et économiques qui s'annoncent pour les villes.

Recommandation de l'Agence du Numérique

  • Expérimenter avec l'ensemble des acteurs de la chaîne de soins à domicile, de la protection et de l'aide sociale les pistes de décloisonnement des actions grâce aux potentialités des technologies numériques.

Education et culture

Comment répondre efficacement au phénomène d'irrigation numérique permanente de nos enfants qui vivent trop souvent leur rapport à l'éducation publique comme une rupture avec cette évolution. L'objectif de la ville intelligente est donc à la fois de faciliter la formation initiale des jeunes et également prendre en compte les besoins de formation des citoyens tout au long de la vie grâce au numérique.

Les villes intelligentes auront également un rôle clé à jouer dans la prise en compte du phénomène d'industrialisation du numérique. La capacité des individus et des organisations à ne pas seulement demeurer de simples utilisateurs des technologies numériques mais bien à les comprendre pour les maîtriser va représenter un enjeu essentiel de citoyenneté. De ce point de vue, l'accès au code informatique et à sa compréhension par les citoyens constituera un atout majeur pour la créativité urbaine.

Des dispositifs ad hoc d'accompagnement via les tiers-lieux existants, couplés à la disponibilité de réseaux très haut débit sur le territoire de la ville, devront être considérés comme prioritaires pour réussir cette mutation économique et sociale. Enfin, le numérique doit être considéré comme un facteur essentiel pour garantir la pérennité de nos ressources culturelles et leur libre accès.

Le numérique va notamment permettre un accès dématérialisé à la culture mais il permettra aussi de rematérialiser les objets culturels via l'impression 3D, par exemple, autorisant ainsi certaines personnes (les non-voyants) à découvrir des œuvres par le toucher. Les applications de réalité augmentée, associées à nos terminaux mobiles, peuvent enfin contribuer à la rematérialisation virtuelle de notre patrimoine culturel et à l'établissement d'une compréhension de notre environnement urbain actuel.

Recommandations de l'Agence du NumériqueWT

  • Faire du numérique un axe essentiel de la politique d'éducation et d'accès à la culture en privilégiant sa maîtrise plutôt que sa seule utilisation.
  • Garantir l'accès à ces ressources via le très haut débit.

Participation citoyenne

La participation citoyenne peut notamment être favorisée dans le cadre d'une innovation ascendante. L'enjeu est alors de susciter et d'accompagner toute une série d'initiatives où les citoyens deviennent de véritables "alliés" de l'administration dans une perspective de co-conception et de co-production de services à destination de la population.

Différents exemples illustrant cette approche existent déjà et concernent aussi bien le signalement d'incidents via des applications mobiles sur le modèle "Fix My Street" que de nouvelles formes de collaboration entre les services de la ville et le tissu associatif, comme par exemple, les généalogistes amateurs (les généannoteurs) à Rennes afin "d'augmenter" l'offre en matière d'état civil de la ville.

Une autre approche d'innovation ascendante privilégiant la créativité citoyenne est sans nul doute celle du jeu sérieux. Plusieurs initiatives tentent aujourd'hui d'explorer de nouvelles formes de recomposition de l'espace urbain en réconciliant ville réelle et ville virtuelle. A l'instar d'expériences pilotes, visant par exemple à utiliser le célèbre jeu Minecraft, afin de "crafter" un territoire en partant directement des données extraites du Système d'Information Géographique (SIG) de la ville de celle-ci, les citoyens peuvent ainsi réaliser des projections virtuelles qui alimenteront le débat démocratique sur de véritables futurs projets urbains.

L'expérience montre que cette simulation par le jeu constitue souvent le premier pas vers des changements comportementaux ("Comment j'appréhende mes déplacements dans l'espace urbain au profit de l'usage des transports collectifs", par exemple). Ces simulations ouvriront la voie à une optimisation accrue des futurs services urbains, comme par exemple, l'intensité d'utilisation des bornes de vélos partagés, des arrêts de transports en commun, ou encore la détermination des meilleurs emplacements pour les futurs services publics comme des stations de recharge pour véhicules électriques en fonction des flux de personnes.

Cette participation citoyenne peut-être soutenue par l'activation simultanée de trois leviers, que sont respectivement:

  • l'Open Data,
  • l'Open Source (logiciel et matériel),
  • l'Open API (La ville est un OS ouvert en mode "Plug In").

Dans cette acceptation, la ville intelligente devient le cœur d'un réacteur "Data As A Service", nourri par l'empowerment citoyen.

Cependant, aucun projet de ville intelligente ne pourrait être conçu exclusivement sous l'angle de la seule participation citoyenne, car on surestime trop souvent l'ampleur de cette implication civique dans des projets collectifs. Afin de susciter et de maintenir un niveau élevé de motivation chez le citoyen, plusieurs leviers peuvent utilement être mis en œuvre. Il est donc indispensable de prévoir des dispositifs permanents d'activation de cette "réserve citoyenne" qui peuvent prendre différentes formes mais dont la plus connue demeure aujourd'hui le hackathon. Ces rounds ouverts et collaboratifs que constituent les hackathons dopent la créativité citoyenne sur des thématiques préalablement identifiées. Ils permettent de "hacker " au sens positif du terme des processus et des objets publics existants afin de les améliorer en dégageant des solutions innovantes, qui prennent la forme d'applications au service de la collectivité.

Les principaux ressorts de cet "hacktivisme" sont la gamification et le rewarding. Ainsi, la ville de Boston, qui fait figure de pionnière dans le domaine des applications citoyennes avec Boston Citizen Connect, propose désormais des récompenses prenant la forme d'une monnaie sociale baptisée "Street Cred".

Enfin, l'une des faiblesses essentielle d'une vision par trop centrée sur la participation citoyenne tient dans la sous-estimation des ressources financières, techniques et humaines nécessaires au développement et au maintien de systèmes et d'applications pérennes.

Recommandations de l'Agence du Numérique

  • Encourager la participation citoyenne via des projets ciblés dans le cadre de processus intégrant le rewarding et/ou la gamification.
  • Adopter une approche "Local Lean Government" afin d'alimenter et d'activer de façon continue la participation citoyenne.
  • Explorer de nouvelles formes de participation citoyenne, comme le crowdfunding, pour identifier comment cette co-production de services est de nature à affecter le processus de décision public en optimisant celui-ci.

La fin du monopole de l'action publique au profit de services publics augmentés


Comme l'ont souligné les auteurs du rapport publié par l'Institut de l'Entreprise "Smart cities: Efficace, innovante, participative. Comment rendre la ville plus intelligente?", les acteurs publics ont définitivement perdu le monopole de l'action publique. Le partage de la gestion des infrastructures, de la collecte et le traitement des données ou encore de la production des services, devient la norme.

Ce changement de paradigme est renforcé par l'obsolescence annoncée de la distinction entre consommation de services publics et celle de participation à des services publics "augmentés". Administrations locales, entreprises et citoyens deviennent tour à tour tantôt destinataires de ces services, tantôt fournisseurs de ceux-ci. Dès lors, la ville intelligente du futur se définira davantage selon une vision de type maïeutique permettant l'éclosion et le développement d'activités publiques et privées innovantes.

Ressources de la Commission Européenne.

  • Smart Cities Stakeholder Platform Identifies and spreads relevant information on technology solutions and needs required by practitioners and provides information for policy support to the High Level Group and the European Commission
  • Smart Cities and Communities Combines Information and Communication Technologies (ICT), energy management and transport management to come up with innovative solutions to the major environmental, societal and health challenges facing European cities today

Ouvrages de référence

La ville 2.0, objectif 2020. Conférence de l'AWT et de IMIO


L'Intercommunale de Mutualisation Informatique et Organisationnelle (IMIO) a organisé en collaboration avec l'AWT, dans le cadre du Salon des Mandataires 2014, une conférence articulée autour de la ville intelligente.

La ville doit tendre vers une organisation ouverte aux échanges et interactions avec le citoyen. A cette fin, il est nécessaire de doter les agents locaux d'outils numériques performants. Mais le projet "informatique" n'est pas tout! Il doit être accompagné intelligemment et adapter ses usages et pratiques aux contextes particuliers. Cette conférence avait pour objectif d'alimenter la réflexion en présentant des projets concrets mis en œuvre par et pour les pouvoirs publics pour atteindre l'objectif 2020.

Interview de Pascal Poty de l'AWT, Xavier Gendron, PDG Fondateur, BeWe et Joel Lambillotte, membre du Comité de Direction, Chargé des technologies et des solutions applicatives, IMIO.

https://www.youtube.com/watch?v=yRFwdzUkSKM

https://www.youtube.com/watch?v=LltTptow6cI

Pour en savoir plus


  • Intercommunale de Mutualisation Informatique et Organisationnelle (IMIO) Promeut et coordonne la mutualisation de solutions organisationnelles et de produits et services informatiques pour les pouvoirs locaux de Wallonie de manière coordonnée avec les instances en charge de ces matières au niveau régional wallon (eWBS et DTIC)
  • BeWe Spécialiste de la socialisation des systèmes d'information
  • Pop-up urbain Cabinet de tendances et de conseil en prospective urbaine
  • L'Atelier BNP Paribas Détecte les innovations de rupture qui annoncent des évolutions pour les entreprises et leurs salariés. Son but est d'aider les organisations à transformer les idées en projets opérationnels

À propos de l'auteur.

Isabelle Rawart


Digital Wallonia