Payer en franchissant le seuil d’un magasin sans passer par la caisse, recevoir un conseil financier personnalisé d’un assistant conversationnel/chatbot actif via Messenger, assurer un bien une durée limitée depuis son smartphone, … voici quelques exemples de services bien réels déjà offerts par la Fintech.
Fintech
Combinaison des termes « finance » et « technologie », la Fintech désigne l’utilisation de la technologie pour repenser les services financiers. De la "crypto-monnaie" aux robots conseillers, l’éventail des prestations offertes par la Fintech est à la fois large et ciblé. D’après Jurgen Ingels, co-fondateur de B-Hive, la plateforme Fintech européenne basée à Bruxelles, et directeur du fonds de placement privé Smartfin Capital : "pour chaque service financier, il existe au moins une Fintech et chacune est excellente".
En phase avec l’évolution du marché, l'offre des Fintech répond à trois exigences incontournables du consommateur actuel, un service :
- instantané,
- simple,
- centré sur les besoins précis du client.
Le paiement intégré permet, par exemple, de combiner la réservation d’une table dans un restaurant et le payement de l’addition via son smartphone sans attendre le serveur en fin de repas. L’expérience client en est plus agréable et la gestion du restaurateur plus efficace.
Tech4Fin
Compte tenu de leurs contraintes, de leur taille et de l'organisation de leurs activités, les institutions financières traditionnelles peinent encore à satisfaire directement ces trois exigences. La plupart doivent composer avec un contexte économique difficile (taux faibles), une réglementation de plus en plus contraignante, une infrastructure informatique datée peu flexible ainsi qu’une structure en silos indépendants disposant chacun de leurs propres technologies et de leurs bases de données.
De nombreux services Fintech vont jusqu'à se passer des acteurs intermédiaires habituels comme les chambres de compensation, les société de clearing (mécanisme permettant à des banques et des institutions financières de régler les montants dus et de recevoir les actifs correspondant aux transactions qu'elles ont effectuées sur les marchés) ou d’affacturage (méthode de financement et de recouvrement de créance basée sur le rachat de factures part un tiers). On parle de services désintermédiés. C’est le cas des plateformes de prêts entre particuliers (crowdlending) sans intervention des banques.
En parallèle, le consommateur a également été touché par la crise financière, avec une épargne sans rendement et une confiance ébranlée envers les banques. Il est de ce fait plus curieux et ouvert à des solutions et services financiers alternatifs.
Ce contexte motive le monde financier à s’intéresser de près à la Fintech. Menace ou opportunité ? Le monde financier semble avoir choisi l’option de l’opportunité.
Si les Fintechs ont la flexibilité et la capacité de réagir rapidement qui manquent tant aux institutions financières établies, elles ont toutefois besoin de visibilité, de clients et de données à traiter pour mener leurs activités. Qui mieux qu’une banque ou une compagnie d’assurance pour combler ce manque tout en offrant une légitimité aux nouveaux services proposés ?
De leur côté, les institutions financières ont besoins des Fintechs pour offrir des services compétitifs et optimiser l’exploitation de leurs données client.
Les Fintechs et les institutions financières sont complémentaires. Dans le petit monde de la Fintech, on parle de « Tech4Fin » pour illustrer cette tendance.
S'allier pour rester concurrentiel
Mais les Fintechs ne sont pas les seules à secouer les services financiers. Les géants de l'Internet, GAFA, NATU, ..., sont déjà massivement présents dans le secteur des paiements en ligne. On ne compte plus les solutions de paiements : Apple Pay, Google Wallet, Messenger Payments (transferts de fonds désintermédiés entre particuliers), WeChat Pay, etc.
Leur objectif est d’offrir un service de paiement simple et efficace pour vendre des produits (Amazon, Apple, etc.) et d'accumuler plus de données (Google, Facebook, etc.). Le danger est réel pour le monde financier qui pourrait se voir limité à son rôle de technicien laissant la relation client aux mains des géants de l'internet.
Il est temps de s'adapter en intégrant ces services pour les institutions financières. S’allier avec les Fintech vaut largement mieux que de les concurrencer seules.
Fin4Tech
Cette alliance se traduits par de nombreuses initiatives de collaboration, comme les programmes d’accompagnement et d’accélération de Fintechs mises en place par le monde financier, à l’instar de l’ING Labs Brussels (ex ING FinTech village). L'objectif est notamment d'identifier des solutions potentielles à des problèmes internes et de les tester en vue de les acquérir.
Des investissements directs et indirects sont aussi nombreux. Ces démarches débouchent sur des collaborations fructueuses entre concurrents conscients de la nécessité de joindre leurs forces pour rester compétitifs. De nombreuses banques, assurances et sociétés de paiement sont, par exemple, membre de la communauté Fintech Belgium, dédiée au développement de la Fintech belge.
KBC et Belfius ont pu étendre leur offre de leasing en développant une application avec Olympus Mobility. Cette application permet d’organiser sa mobilité en choisissant le mode de transport le plus adéquat en temps réel (train, bus, tram, métro, vélo ou voiture partagée). L’utilisateur et son employeur reçoivent chaque mois une facture précise reprenant ces choix.
Autre exemple, l’application de paiement mobile Payconiq, résulte d’une collaboration entre ING, KBC/CBC, Belfius et deux entreprises Fintech : Payconiq, pour le système de paiement, et Joyn, pour l’intégration d’un programme de fidélisation. Les 3 banques ont uni leurs efforts pour donner une impulsion au paiements mobiles entre particuliers et, surtout, dans les commerces de proximité en Belgique.
Les services de la Fintech
Fixer un cadre précis pour les services de la Fintech est difficile, tant les services innovants et disruptifs se multiplient. Il est toutefois possible d'identifier les principaux domaines d'activité :
- le financement,
- la gestion de la trésorerie,
- les paiements,
- la banque mobile,
- l’utilisation des données bancaires par des tiers,
- la crypto monnaie,
- l’assurance (Assurtech).
Le financement
L’étendue des services proposés dans ce domaine est déjà large. Le crowdfunding est désormais un service populaire. Pour rappel, une plateforme de crowdfunding consiste à financer des projets en activant les moyens financiers des citoyens (« crowd »), professionnels ou non, l'aide des acteurs traditionnels de financement. On identifie 4 types de crowdfunding :
- le don (sans contrepartie),
- le don avec contrepartie en nature,
- le prêt participatif (crowdlending),
- le financement en capital (equity crowdfunding).
Ces plateformes ouvrent un accès au financement à des acteurs qui peinent à trouver un crédit dans le système traditionnel. L’aspect sociétal y est souvent prôné. On peut par exemple refinancer son crédit étudiant aux Etats-Unis de façon plus avantageuse tout en se créant un réseau professionnel.
La transparence et la simplicité sont aussi de mise. Certaines plateformes de financement proposent des investissements thématiques en fonction de besoins particuliers ou des intérêts de chacun.
Ce modèle n’est cependant pas sans inconvénient. La commission sur le financement obtenu est souvent élevée et le risque important quand il s’agit d’investissements en capital qui ciblent majoritairement des startups. De plus, les limites imposées par la législation belge, tant sur le capital investi en equity crowdfunding (limité à 100.000 euros pour une durée de 4 ans minimum), que sur l’exemption de précompte immobilier en crowdlending sur les intérêt générés (limité à 15.000 euros pour une durée de 4 ans minimum).
L’analyse financière est également un terrain de jeu pour la Fintech. Des algorithmes de plus en plus performants analysent les marchés en temps réels. Les capacités décuplées de l’informatique quantique sont aussi testées pour améliorer leur rendement. Cet outil prometteur a déjà de nombreuses applications. Parmi celles-ci, la détection de la fraude par un repérage de comportements de manipulation des marchés. Le trading désintermédié en est un autre exemple. Il s’agit de vente et d’achat d’actifs sur base d’algorithmes en remplacement des courtiers (banques, institutions spécialisées, etc.) sans frais de commission ni mise minimum.
Le robot-conseil (robo-advisor) opère une gestion algorithmique d’un portefeuille d’actifs en ligne sur base du profil de l’investisseur, de ses desideratas et d’une analyse de données privées et publiques. Le conseil automatisé est offert seul ou de façon intégrée avec l’achat ou la vente d’actifs en ligne. Ce service, jusqu’ici réservé aux clients fortunés, est accessible aux petits porteurs par son faible coût. Ce marché n’en est néanmoins encore qu’à ses débuts et comporte sa part de faiblesses. Il se focalise essentiellement sur des produits simples et manque parfois de subtilité. Il ne tient, par exemple, pas compte des aspects fiscaux.
La combinaison d’algorithmes et de big data optimise aussi la notation des crédits et l’évaluation du profil de risque d’un demandeur. Combinée au Crowdlending, cette approche optimise l’adéquation entre l’offre et la demande de prêts.
La Fintech crée aussi de nouveaux services en réponse à de nouveaux besoins. C’est le cas des marchés privés d’échange d’actifs "non liquides" comme les créances sur des entreprises en faillite, les crédits subprimes et les actions non cotées d'entreprises privées. Destinés aux initiés, ce type de marchés à haut risque étend et offre de la transparence sur un domaine jusqu'ici détenu par quelques acteurs internationaux.
La gestion de la trésorerie
La Fintech innove le domaine de la gestion de la trésorerie des entreprises notamment par l’affacturage désintermédié au moyen de plateformes de transactions directes entre acheteurs et vendeurs de factures.
Le reverse factoring, ou Supply Chain Finance, n’est plus réservé aux grandes entreprises dans sa version désintermédiée plus simple et moins onéreuse. Dans ce cas, la société intermédiaire entre le fournisseur et ses débiteurs est remplacée par des algorithmes.
Les Fintechs vont jusqu'à offrir la garantie du paiement à la livraison par le biais d’un nouveau type d’intermédiaire. Ce dernier vérifie la solvabilité du demandeur (sur base de son numéro national et d’un algorithme) et avance l’argent au vendeur.
Les paiements
Les solutions offertes par la Fintech dans le domaine des paiements sont déjà nombreuses. Les plus connues sont les outils de paiement en ligne et de paiement mobile liés à un compte en ligne connecté à un compte bancaire. Simple et sûrs, leur adoption est en pleine croissance.
L’utilisations de ces outils est encore décuplées lorsque les terminaux de paiement sont adaptés. Ici aussi, la Fintech offre de nouvelles solutions simples et accessibles avec de petits accessoires qui, une fois branchés, transforment une tablette ou un smartphone en terminal de paiement ou en lecteur de carte de crédit.
L’utilisation croissante des moyens de paiement en ligne et mobiles transforme les programmes de fidélisation qui s’automatisent lorsqu'ils sont combinés.
Encore plus simple que le paiement mobile : le paiement par détection. C’est le concept Amazon Go, une boutique sans caisse, sans file et sans argent. Des caméras et des capteurs suivent les mouvements dans le magasin et repèrent les achats pour les facturer via une application lors du passage à la porte de sortie. L’expérience d’achat devient ultra rapide et simple voir presque indolore. Pour Amazon, c’est aussi un moyen de collecter des données sur les comportements d’achats de chacun.
Les paiements internationaux sont aussi révolutionnés par des plateformes de transferts de fonds instantanés, désintermédiés et à moindre frais. Ces nouveaux acteurs viennent concurrencer deux marchés juteux : les banques et les sociétés de transfert de fonds (Western Union, etc.). Accessibles sur les réseaux sociaux, ces services sont déjà très populaires auprès des expats.
L’utilisation des données bancaires par des tiers
Transposée dans la législation belge dès 2018, la directive européenne sur les services de paiement (DSP2) offrira la liberté aux clients de disposer de leurs données bancaires. Le défi est de taille pour les banques pourront être contraintes à mettre ces données à disposition de tierces parties. Le risque de voir partir leur clientèle à la concurrence s’intensifie.
Côté client, les perspectives sont également intéressantes. La directive va permettre d’envisager un accès direct et centralisé à tous les services financiers dont il a besoin. Que ce soit ses comptes bancaires (dans une ou plusieurs banques différentes), les services de plateformes de crowdfunding ou ses contrats d’assurances, il pourra faire son marché et ne choisir que ce qui l’intéresse chez chaque fournisseur.
Cette tendance, appelée "Bank as a Service", donne lieu à de nouveaux services Fintech comme les agrégateurs de comptes qui rassemblent sur un seul écran tous les comptes de paiement. De nombreux consommateurs y gagneront une gestion consolidée et conviviale de leur situation financière. D’autant plus qu’ils seront assortis de services associés comme le conseil transversal pour des placements aux meilleurs taux.
La directive ouvre l'opportunité d'utiliser des API (Application Programming Interface), passerelles logicielles permettant à la banque de passer un contrat avec des tierces parties pour le transfert sécurisé de données. Cet outil destiné aux développeurs permet un champ d’application aussi vaste que l’inventivité des acteurs de la Fintech comme le conseil personnalisé et transversal en association avec un robot conseil et un chatbot/assistant conversationnel ou l’automatisation de la gestion comptable.
La crypto monnaie
La Fintech s'intéresse également aux devises. De nouvelles monnaies désintermédiées et sécurisées par les systèmes de Blockchain sont apparues ces dernières années. On en compte plus de 700 aujourd'hui dont la plus connue est le bitcoin. Sa valeur spéculative atteint des records (3143,42€ à la date de publication de cet article).
Imaginées en 2009 au lendemain de la crise financière, ces monnaies sont gérées et contrôlées de façon transparente et décentralisée par une multitude d’acteurs appelés mineurs. Ces particularités les rendent incorruptibles.
En Fintech, l’innovation entraîne l’innovation. La crypto monnaie s'échange contre d'autres devises monétaires (euro, dollar, yen, etc.) sur des plateformes d’échange désintermédiées dont les frais de transfert sont largement inférieurs à ceux des institutions financières.
Encore peu convertible en produits et services, elle est acceptée comme moyen de paiement chez quelques commerçants physiques et en ligne équipés, comme leurs clients, d’un portefeuille électronique spécifique. La majorité des transactions en crypto monnaie actuelle est liée à la spéculation qui en fait une valeur hautement volatile et risquée.
Le manque de régulation des transferts et sa gestion anonyme posent aussi des questions éthiques (darknet, blanchiment, etc).
L’Assurtech
Touché plus récemment par le phénomène Fintech, le domaine des assurances se réinvente aussi. On parle ici d’Assurtech, autrement dit : l’utilisation de la technologie pour repenser les services d’assurances.
Cette évolution touche des procédures existantes encore peu numérisées. On peut, par exemple, aujourd'hui, faire un constat d’accident ou un remboursement de médicaments automatisés via son smartphone.
On voit poindre de nouveaux services comme les plateformes d’assurances désintermédiées entre particuliers. Cette approche collaborative repose sur la responsabilisation et la transparence. Les partenaires s’engagent à se couvrir réciproquement d'un montant prédéfini. Chacun peut visualiser le profil de risque et l'historique des autres assurés. Ce système ouvre l’accès aux services d’assurances à de nombreux profils difficiles à assurer comme les porteurs de maladies rares ou les expatriés dont l'historique des sinistres auto est inconnu de leur pays d'adoption.
D’autres répondent à de nouveaux besoins. L’assurance covoiturage proposée par Axa en partenariat avec BlaBlaCar offre, par exemple, des garanties supplémentaires à l’assurance voiture obligatoire (objets perdus par un passager, partage du volant, etc.). Autre exemple, l’assurance sur mesure en quelques clics via son smartphone. Ce concept permet, par exemple, d’assurer quelques objets pour la durée d’un voyage. La procédure est ultra simple et la couverture instantanée.
Autre tendance : le focus sur le risque. Aujourd’hui le métier d’assureur est centré sur la prévention. Avec l’apparition des objets connectés et des mesures de comportements à risques liés, le métier pourrait se tourner vers la prévention. En joignant ces mesures à l’analyse de Big Data, on peut estimer le profil de risque d’un assuré. L’idée est de récompenser les « bons » comportements par des frais moins élevés et inversement. Avec ce système un bon conducteur peut, par exemple, réduire considérablement sa facture tandis qu’un chauffard verra sa note augmenter. Un comportement à risque étant plus rentable, ici aussi, des questions éthiques sont à régler notamment dans le domaine de la vie privée et de la santé.
Cette tendance met les compagnies d’assurance en compétition directe avec des acteurs capables de détecter ces données. Le danger est réel pour ces dernières de perdre, elle aussi, la relation client et de voir leur rôle se limiter à l’exécution du service.
À propos de l'auteur.
André Blavier
Agence du Numérique