Le baromètre 2018 Digital Wallonia « Education & Numérique » propose 5 axes prioritaires pour les politiques à mener en faveur du numérique à l’école : la formation initiale et continue des enseignants, l’infrastructure numérique dans les écoles, le support technique et logistique, l’accompagnement pédagogique des initiatives, et, enfin, les collaborations et échanges entre les acteurs de l’éducation.
Le numérique, priorité pour l'éducation
Le numérique est aujourd’hui une priorité pour les systèmes éducatifs, les gouvernements et les instances européennes et internationales.
Comme l’indiquait la Commission européenne, les technologies numériques sont aujourd'hui complètement intégrées à la société et nous devons nous ajuster. En effet, les citoyens et les acteurs de l’éducation sont en attente d’un environnement scolaire où il est possible de développer des compétences numériques de manière optimale afin de permettre aux apprenants de s’insérer efficacement dans la sphère professionnelle.
Ainsi, la dernière étude européenne, menée en 2013 pour la Commission, révèle que l’équipement numérique des écoles de l’Union européenne est en deçà des attentes avec 63 % des élèves n’ayant pas accès à une « école avec un équipement numérique performant » (c’est-à-dire qui dispose d’un équipement minimal adéquat, d’un accès à haut débit et d’une « connectivité » interne élevée).
Du côté pédagogique, 70 % des enseignants dans l’UE reconnaissent l’importance de l’utilisation d’outils numériques en classe, mais seulement 20 à 25 % d’entre eux ont confiance dans ces outils numériques et sont favorables à leur utilisation. La plupart des enseignants utilisent les TIC avant tout pour préparer leur enseignement, plutôt que pour travailler avec les élèves pendant les cours.
De manière globale, de plus en plus de pays investissent dans des stratégies numériques pour réformer l’éducation et la formation. Ils transforment, modernisent et internationalisent les systèmes éducatifs, ce qui, au niveau des écoles et des universités, a un effet tangible sur l’accès à l’éducation, sur le coût de l’éducation, sur les pratiques didactiques et sur la qualité de l’offre de formation.
Pourtant, bien que les technologies offrent des possibilités de rendre l’éducation plus efficiente et plus équitable, force est de constater que l’ensemble des composantes nécessaires à la mise en oeuvre de la transition numérique ne sont pas encore assez présentes dans nos deux Communautés. Les leviers pour développer les compétences des élèves en la matière se trouvent dès lors dans le chef des pouvoirs publics, mais également du côté des autres acteurs de l’école.
Les recommandations internationales dans leur globalité soulignent qu’il est nécessaire de dynamiser l’usage du numérique éducatif dans les écoles, qu’il s’agisse d’infrastructures numériques ou de pratiques pédagogiques intégrant le numérique. En conséquence, il convient de promouvoir une certaine évolution de la conscience citoyenne concernant le numérique afin d’obtenir l’adhésion de l’ensemble des acteurs de l’éducation envers cette thématique.
Bien que non étudiées dans le cadre de cette enquête, il est probable que des perceptions négatives et/ou craintes entourant le numérique soient présentes chez les parents et les élèves et que celles-ci entravent également l’utilisation d’outils numériques à des fins pédagogiques.
Ceci étant, le numérique éducatif n’a pas la prétention de résoudre l’ensemble des difficultés du monde scolaire. Il se veut un outil, un moyen comme bien d’autres, au service des acteurs de l’éducation afin de développer des dispositifs d’enseignement pour les apprentissages.
5 Axes prioritaires d'action pour le numérique à l'école
Considérant les données récoltées dans le cadre de cette double enquête, et sans préjuger des orientations et politiques menées par les différentes entités concernées, quelques recommandations visant à renforcer et à dynamiser la place du numérique éducatif s'imposent.
Elles s’articulent autour de cinq axes complémentaires, voire inséparables :
- la formation initiale et continue des enseignants ;
- l’infrastructure numérique dans les écoles ;
- le support technique et logistique ;
- l’accompagnement pédagogique des initiatives ;
- les collaborations et échanges entre les acteurs de l’éducation.
Formation initiale et continue des enseignants
La formation de l’enseignant, tant au niveau de la formation initiale dans les hautes écoles et les universités qu’en cours de carrière, est manifestement le domaine qui appelle les réactions les plus urgentes. Si pendant longtemps, l’équipement insuffisant a été le premier obstacle à une utilisation effective des technologies en classe, il passe progressivement à la seconde place lorsque l’on observe les exploitations pédagogiques du numérique dans l’enseignement.
L’enquête a clairement montré que le sentiment de compétence numérique, tant au niveau des manipulations techniques que des exploitations pédagogiques, reste faible pour une majorité d’enseignants, alors qu’il apparaît qu’il est un facteur déterminant de l’adoption des pratiques numériques en classe.
Il est donc indispensable d’intégrer plus massivement le numérique dès la formation initiale des enseignants et de proposer des cursus où la composante numérique est présente de manière disciplinaire et transversale. Il s’agit d’amener les futurs enseignants à développer les compétences numériques nécessaires à leur futur métier tel que le recommande la Commission européenne avec DigComp EDU.
Il faut les amener à acquérir des compétences qui leur permettront de comprendre et d’utiliser les processus d’intégration des TIC, mais aussi de parcourir les différents niveaux d’intégration afin d’arriver à transformer leur enseignement à l’aide des TIC. Il est également nécessaire de mettre en place des dispositifs permettant une réelle (auto)évaluation du niveau de compétence numérique des enseignants afin de renforcer le sentiment de compétence et d’objectiver le niveau de compétence dans les différentes aires de compétences numériques.
Il est également plus que nécessaire de travailler sur les formations continuées afin de proposer des contenus de formation incluant, au-delà des aspects techniques, des aspects techno-pédagogiques et réflexifs de l’usage du numérique éducatif. Un effort particulier doit aussi être produit pour promouvoir la formation aux concepts spécifiques du numérique, c’est-à-dire à la littératie numérique, mais aussi à la logique algorithmique. Dans tous les cas, une attention récurrente devra être portée pour faciliter l’accès aux formations, spécialement dans le niveau fondamental qui montre les besoins les plus grands, mais où les difficultés de remplacement des enseignants rendent toujours plus délicat l’envoi des instituteurs et institutrices en formation.
Infrastructure numérique dans les écoles
Bien qu’un premier niveau d’équipement soit atteint dans beaucoup d’établissements, l’enquête permet de constater qu’il reste des efforts à fournir pour que toutes les écoles disposent de l’infrastructure numérique adaptée à un usage pédagogique et pouvant soutenir des usages massifs de la part de la communauté éducative.
La comparaison des niveaux d’équipement de nos classes en général vis-à vis de ceux de nos voisins européens est à elle seule éloquente. Il convient dès lors de renforcer la diffusion dans les écoles tant des terminaux individuels, permettant à chaque élève de s’investir personnellement dans les apprentissages du numérique et grâce aux ressources numériques, que des outils partagés, tels que les projecteurs, interactifs ou non, et les logiciels dont en particulier ceux qui facilitent la collaboration et le partage comme les Environnements numériques de Travail (ENT) et les Learning Management Systems (LMS), tout en veillant à assurer une connexion à Internet de qualité.
Une attention toute particulière doit être réservée à la disponibilité d’une connexion Internet dans les classes. Il s’agit à la fois de veiller à la connexion Internet à (très) haut débit jusqu’à l’entrée de l’implantation, mais aussi à l’installation dans les écoles de réseaux locaux desservant, avec ou sans fil, l’ensemble des classes et auditoires.
Pour ce qui concerne les outils logiciels, considérant les évolutions techniques actuelles, un élément de solution consiste en la mise en place de solutions “cloud”, tant pour faciliter le partage des ressources créées, accessibles aussi bien de l’école que du domicile des apprenants et des enseignants, que pour en faciliter la maintenance et l’évolution en allégeant d’autant les contraintes pour les utilisateurs et en maintenant une certaine stabilité des interfaces.
Support technique et logistique
Afin d’assurer le bon fonctionnement de l’équipement mis à disposition, il convient de veiller au support logistique associé aux dispositifs numériques. L’assistance technique, au-delà du rôle de première ligne joué par les personnes-ressources techniques des écoles, permettrait de répondre à des difficultés rencontrées dans les classes et qui entravent le bon déroulement des apprentissages liés au numérique éducatif. Pour ce faire, différents points d’action sont avancés.
Tout d’abord, il s’agirait d’organiser, pour les écoles, l’équivalent des “services IT” qui existent au sein des entreprises, publiques ou privées via une présence suffisante de personnes-ressources dûment formées pour cette tâche. Ensuite, la mise à disposition d’un helpdesk technique centralisé et disponible en tout temps serait une aide précieuse pour les différents acteurs afin de seconder les personnes-ressources ou de les suppléer en cas d’indisponibilité.
Accompagnement pédagogique des initiatives
Dans le prolongement de l’assistance technique, la mise en place de méthodes pédagogiques à l’aide d’outils numériques ne peut se faire qu’avec un accompagnement ciblé, suffisant et efficace. De fait, les enseignants ont des demandes précises, des questionnements et ils se heurtent parfois à des aléas qui peuvent les rebuter.
Pour y faire face et pour soutenir activement les initiatives, il est dès lors indispensable de mettre à disposition du personnel enseignant des conseillers techno-pédagogiques qui pourront les aider à découvrir les ressources les plus appropriées à leurs disciplines, ainsi que les méthodologies qui permettent d’en tirer le meilleur profit dans leur contexte particulier afin de les épauler dans la conception de leurs dispositifs d’enseignement.
Collaboration et échanges entre les acteurs de l'enseignement
La culture du numérique est par essence celle de la communication, de l’échange et du partage. De plus, l’évolution des technologies, mais aussi les multiples expérimentations menées pour mettre à profit les possibilités ouvertes par le numérique afin d’améliorer les méthodes pédagogiques nécessitent une mise à jour permanente des compétences des enseignants.
Aussi, l’intégration durable et efficiente du numérique dans les pratiques éducatives ne peut s’envisager sans une collaboration accrue entre les enseignants, tant au niveau des établissements que beaucoup plus largement via, notamment, des plateformes de qualité dédiées et consacrées au numérique éducatif. De même la construction de ressources de qualité représente une masse de travail qui doit pouvoir être répartie entre plusieurs contributeurs et dont le fruit doit être partagé dans des conditions qui préservent les droits de chacun des auteurs et qui les encouragent à poursuivre ces efforts.
Enfin, la veille numérique, vecteur essentiel d’innovation, doit être encouragée et développée dans les Communautés.
Conclusion générale du baromètre Digital Wallonia 2018 "Education & Numérique"
En conclusion, comme cette étude l’a mis en évidence, la dynamique d’intégration du numérique a débuté dans nos régions, mais n’a pas encore atteint un rythme de croisière suffisant. S’il est vrai que la perspective d’une éducation au et par le numérique commence à faire son apparition auprès des acteurs de l’éducation, un vaste chantier reste encore à mener.
D’une part, la gouvernance numérique, mise en avant ces dernières années pour les directeurs, les compétences numériques des enseignants, mais surtout celles des élèves restent encore à développer.
Ensuite, les équipements numériques, sont encore trop peu présents partout et singulièrement en Région Bruxelles-Capitale.
À contrario, la connectivité, plus soutenue en Région bruxelloise, gagnerait à être développée aussi en Wallonie.
La formation, initiale et continue, facteur essentiel de développement numérique de tous les acteurs, doit être adaptée afin de répondre aux différents besoins exprimés. L’accompagnement qu’il soit technique ou techno-pédagogique doit être développé, augmenté, visible et concret sur le terrain.
Enfin, la collaboration, la mutualisation et la co-construction des pratiques et des ressources doivent être encouragées. Le chantier de la transition numérique est encore vaste, mais il n’appartient qu’aux acteurs et aux décideurs de s’en saisir afin de permettre au numérique éducatif de concrétiser tout son potentiel pour soutenir le développement professionnel et humain des citoyens.
