Dans la cadre de la vision « Smart Region » de la stratégie numérique Digital Wallonia et à l’occasion du salon des mandataires 2017, le Smart City Institute a présenté une étude scientifique proposant un véritable baromètre des Smart Cities en Belgique.
Ce travail de recherche aborde de manière quantitative le phénomène des villes intelligentes, de la perception à l’exécution en passant par l’initiation, en plongeant très précisément au cœur de la cible.
- Comment les acteurs de nos villes appréhendent-ils le phénomène ?
- Que représente pour eux la Smart City ... avant même de s’y frotter ?
- Qui est le moteur de ce bouleversement ?
- Quels sont les acteurs qui entourent les communes et comment s’organisent-elles pour mener à bien ces projets qu’elles considèrent comme une opportunité et qu’elles décrivent en majorité comme leur avenir ?
Mené auprès des 589 communes belges, ce baromètre est donc statistiquement représentatif des réalités territoriales et institutionnelles belges.
La "smart vie" des communes belges.
Globalement, les communes belges perçoivent la Smart City, en priorité, comme un challenge technologique, ensuite une opportunité et, finalement, comme le futur des villes. 66% d’entre elles se sentent concernées par la problématique, mais le degré de pertinence du concept varie en fonction du caractère rural et du territoire concerné :
- communes rurales (34%),
- communes urbaines (77%),
- communes flamandes (84%),
- communes bruxelloises (88%),
- communes wallonnes (45%).
Les territoires urbains concentrent une population plus nombreuse et hétérogène ainsi que de nombreuses dynamiques en place (économiques, culturelles, politiques et entrepreneuriales). C’est un paysage plus propice au changement que dans les communes rurales. Par contre, la transformation s’opère plus facilement dans une structure plus petite, caractéristique des zones rurales.
Idéalement, toutes les communes belges mentionnent que l’aspect humain (capital social, infrastructure humaine, créativité́, diversité́, éducation, connaissance...) devrait être une priorité dans la Smart City au-delà des perspectives technologiques et institutionnelles.
Pour Nathalie Crutzen, Professeur et Directrice du Smart City Institute, l’évolution du concept va également dans ce sens. Initialement, poussé par certaines multinationales et certains industriels, le phénomène Smart City se focalisait principalement sur l’utilisation des technologies (numériques) dans les villes. Le concept a toutefois évolué en associant une réflexion sur la gouvernance et la créativité, tout en mettant au centre l’humain et l’amélioration de la qualité de vie sur le territoire.
L’objectif ultime est de créer des territoires durables (développement économique, performance écologique et bien-être social). Une vraie Smart City se basera donc sur un mélange complexe de nouvelles technologies, de facteurs sociaux, humains, économiques, environnementaux et institutionnels. L’humain (via le mieux vivre ensemble, la gouvernance, la créativité) fait donc partie intégrante de la dynamique. Il est même un élément central puisque l’un des objectifs de la Smart City est d’améliorer sa qualité de vie.
Le secteur public comme principal initiateur des Smart Cities
Selon les personnes interrogées, ce sont majoritairement (80%) les autorités publiques locales qui embrayent sur les projets Smart City. Elles sont suivies de loin par le secteur privé (10%), la société civile (5%) et le secteur de la recherche (4%). Une fois le projet lancé, il est précisément porté par:
- le bourgmestre de la commune,
- l’administration et ses différents départements,
- le conseil communal,
- le gouvernement régional et son administration.
Quand elles se lancent dans l’aventure de la Smart City, les communes initient, en priorité, des projets dans les domaines suivants :
- Smart Environnement (28%) : éclairage intelligent, efficience énergétique, diminution de la pollution, …
- Smart Gouvernance (22%) : administration 2.0, ouvertures des données, décision participative, …
- Smart Living (17%) : logement, santé, culture, tourisme, …
- Smart Mobility (12%) : système de transport durable, multimodal et interconnecté, informations en temps réel, …
Toujours selon les communes belges, le pouvoir public fédéral et le pouvoir public provincial sont les moins représentés sur le terrain. En ce qui concerne les acteurs privés, les communes belges les perçoivent actuellement comme peu impliqués dans les projets identifiés. Parmi ces acteurs, les plus cités par les communes sont les consultants alors que les multinationales sont, quant à elles, perçues comme les moins impliquées.
La transformation progressive de nos territoires vers plus d’intelligence et de durabilité requiert l’implication des diverses « sphères » de notre Société. On parle généralement du modèle des 4 hélices :
- les pouvoirs publics,
- les entreprises,
- les universités et centres de recherche,
- les citoyens.
En Belgique, les gouvernements locaux portent la grande majorité des initiatives en impliquant finalement peu les autres acteurs tels que les entreprises, les universités ou les citoyens dans la gouvernance et le suivi des projets. Il est naturel (et essentiel) que les gouvernements locaux restent très impliqués, mais ils doivent être bien conscients que certaines entreprises disposent de solutions ou proposent des services pertinents ou que des chercheurs ont développé une expertise intéressante pour favoriser cette transformation.
Les citoyens doivent être aussi perçus comme des experts d’usage de la ville et comme une source de créativité dans la dynamique. Une approche "multiacteurs" est réellement essentielle pour aborder les enjeux complexes des Smart Cities. Il faut notamment mettre en place des plateformes d’échange entre les divers acteurs (plateforme virtuelle ou organisation de rencontres/d’ateliers, …) afin de créer un cercle vertueux et que tous les acteurs (et les citoyens en particulier) puissent activement contribuer à la transformation de leurs territoires.
D’un point de vue stratégique, ce sont avant tout les autorités publiques communales (le collège communal, le bourgmestre et le conseil communal) qui gèrent la dynamique Smart City au sein de la commune.
Cette stratégie prend la forme d’un plan stratégique dédié à la thématique Smart city, dans 13% des communes belges, alors que 14% d’entre elles intègrent un volet à ce sujet dans leur stratégie globale.
Les freins au déploiement des Smart Cities
Interrogées sur les freins au déploiement de projet Smart City, les communes belges pointent :
- La disponibilité des moyens financiers.
- Le manque d’expertise de l’administration.
- La complexité de mobiliser et de coordonner l’ensemble des acteurs.
Dans le but d’améliorer la mise en œuvre des projets Smart City, les communes belges interrogées proposent de mettre en place des outils (séances d’informations, workshops, formation, guide pratique, …) à destination des pouvoirs publics locaux, des organismes parastataux (agences, intercommunales, …) et des citoyens.
En vitesse de croisière, les villes réaffirment leur intérêt pour un avenir smart mais les stratégies spécifiques restent insuffisantes.
D’un point de vue stratégique, ce sont avant tout les autorités publiques communales (le collège communal, le bourgmestre et le conseil communal) qui gèrent la dynamique Smart City au sein de la commune.
Cette stratégie prend la forme d’un plan stratégique dédié à la thématique Smart city, dans 13% des communes belges alors que 14% d’entre elles intègrent un volet à ce sujet dans leur stratégie globale.
Gestion opérationnelle des projets de Smart City
La gestion opérationnelle de la stratégie Smart City est assurée par :
- L’administration communale.
- Le(s) chargé(s) de projets Smart City.
- ... Personne.
Jonathan Desdemoustier, Doctorant au Smart City Institure explique que ces résultats mettent en évidence que lorsque que la Smart City Attitude n’a pas encore été adoptée d’un point de vue stratégique, la mise en oeuvre n’est pas organisée au sein de l’administration : personne ne gère ni ne coordonne la dynamique de manière opérationnelle.
17 communes belges (9 communes wallonnes, 6 communes flamandes et 2 communes bruxelloises) ont engagé un chargé de projets Smart City. De plus, 59% des chargés de projets travaillent au sein du département stratégique de leur commune.
Alors qu’il semble ressortir de cette enquête qu’aucune commune n’a mis en place un département ou service dédié à la gestion de la stratégie Smart City, aucune ne semble intéressée à en développer un à l’avenir. De plus, parmi les villes n’ayant pas encore de responsable de projets Smart City, aucune n’a pour objectif d’en engager un.
Mais, au final, 17% des communes interrogées ont l’intention d’écrire un plan stratégique dédié à l’élaboration de la Smart City.
La Smart Région au coeur de Digital Wallonia
En conclusion, l'étude montre que, malgré différentes difficultés de mise en oeuvre, le phénomène Smart City n’est pas une simple tendance, mais bien une véritable lame de fond qui va fondamentalement changer la vie sur nos territoires. Elle permet en outre de faire un point objectif de la situation. Sur base des résultats de cette étude, le Smart City Institute encourage les acteurs à se parler davantage et à se mobiliser pour, ensemble, créer les "territoires du futur" tout en laissant l’humain au centre des préoccupations.
Au niveau de la Wallonie, cette mobilisation se manifeste au concrètement de la vision "Smart Region" de la stratégie numérique Digital Wallonia. Les objectifs sont de :
- mutualiser les ressources,
- assurer la cohérence des initiatives via une plateforme virtuelle et un forum physique,
- mettre en œuvre un environnement régional de développement, d’expérimentation et de déploiement des initiatives smartcities.
Le socle indispensable de cette vision "Smart Région" réside dans un modèle de gouvernance qui lui soit propre et pouvant constituer une référence à l’échelle internationale. Ce modèle original de gouvernance au service des villes intelligentes permet de coordonner l’approche "Top down" de la Stratégie Digital Wallonia et les actions "Bottom up" menées au niveau local.
À propos de l'auteur.
Isabelle Rawart
Agence du Numérique