Dans le cadre du projet Digital Wallonia International, Edith Mayeux parle de l’ouverture de ce nouveau poste et de son rôle au quotidien pour faire rayonner le secteur du numérique wallon à l’international.
Bonjour Edith, peux-tu te présenter en quelques mots pour Digital Wallonia ?
J’occupe depuis peu le poste de Conseillère Economique et Commerciale à Singapour. C’est un poste créé récemment car l’AWEX souhaite développer la présence wallonne sur ce marché en pleine croissance. Je suis arrivée à Singapour début avril après avoir passé près de 12 ans à New York.
Singapour est une des villes incontournables pour les technologies numériques et pour les startups. Qu’est-ce qui caractérise l’innovation numérique à Singapour ? Quelle est ton analyse de l’écosystème local ?
Singapour attache une importance primordiale à l’innovation numérique dans tous les domaines : secteur financier, alimentaire, biotechnologies, intelligence artificielle, robotique, blockchain, crypto-monnaies, regtech, edtech, medtech et autres technologies font partie du quotidien. On ne parle que de "Future Economy" partout.
L’IMD Business School, situé à Lausanne, a établi un classement des principales économies de la planète selon leur compétitivité numérique : ce sont les Etats-Unis et Singapour qui trustent les premières places de ce classement.
Très récemment, Singapour a connu la plus grande cyberattaque de son histoire puisque 1,5 millions de patients se sont vu voler leurs données médicales, y compris celles du Premier Ministre. Du jamais vu dans un pays qui vise au quotidien la perfection ! La réaction du gouvernement n’a pas tardé : il annonçait un renforcement immédiat du digital dans tous les secteurs y compris celui de la santé !
Singapour a une vision très claire : elle veut devenir la première Smart Nation au monde ! Sa stratégie de “best in class” fait qu’on ne parle ici que d’innovation et de collaboration car le petit état reconnait que plus personne n’a le monopole de l’invention et qu’il est indispensable de collaborer. Comme le Premier Ministre Lee Hsien Loong l’a rappelé lors de l’inauguration de Google Singapour en novembre 2017, la technologie doit être synonyme de rupture mais il faut s’assurer d’être du bon coté de la rupture et, pour cela, il faut que les entreprises, les universités et le gouvernement établissent des partenariats au sein du pays et à l’international. Plusieurs plateformes incitant les entreprises singapouriennes à découvrir de nouvelles technologies ont récemment vu le jour. Les entreprises étrangères sont invitées, après sélection, à présenter leurs solutions innovantes.
Le succès de Singapour doit aussi être attribué à sa politique d’immigration ouverte, ses universités performantes, ses initiatives gouvernementales en matière de R&D et son réseau impressionnant d’accords commerciaux en Asie. L’un des slogans de Singapour est “la détermination attire le talent et le talent stimule l’engouement et l’inspiration”.
C’est ainsi que le nombre de scientifiques et d’ingénieurs a été multiplié par 6 au cours des 25 dernières années. Il est évident que Singapour veut devenir le centre R&D de la région.
Par exemple :
- IBM vient d’inaugurer IBM Studios Singapore qui sert de hub régional pour faciliter la collaboration avec Apple, Twitter et Adobe qui ont également tous un hub ici.
- Accenture a ouvert en septembre dernier son Centre d’Excellence en Internet des Objets (IoT) et son Centre d’Innovation en Analytique pour favoriser la co-innovation et les collaborations entre les entreprises privées et les organismes publics. Par ailleurs, Google a ouvert sa « Next Billion Users Division » à Singapour dans le but de fournir internet aux membres de l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ou ASEAN) qui n’y ont pas encore accès et de proposer un accès offline à Google Maps pour les populations qui ont un accès réduit à internet.
Toutes ces initiatives visent à encourager la création de startups locales afin qu’elles fournissent des solutions innovantes tant aux petites entreprises qu’aux grands groupes internationaux.
Les autorités gouvernementales de Singapour ne sont pas en reste. Au regard de la convergence toujours plus grande entre les secteurs, 2 ministères viennent d’être fusionnés, celui des medias et Infocomm, l’autorité qui avait mis au point le plan “Intelligent Nation” en 2015. Le nouveau ministère de l'Autorité de développement des médias d’Info-communication (ou IMDA) est chargé de diffuser sa vision pour transformer Singapour en Smart Nation avec des initiatives comme Wireless@SG, un service gratuit d’accès permanent à internet.
Pour terminer, l’infrastructure et la sécurité locales sont de grande qualité, favorisées par une localisation avantageuse sans catastrophe naturelle. LinkedIn vient d’ailleurs d’ouvrir son premier data center, en dehors des Etats-Unis, ici à Singapour.
Comment envisages-tu ton rôle en tant que responsable du hotspot Digital Wallonia Singapour ?
J'accompagne les entreprises wallonnes sur les événements du numérique les plus importants et j’organise des rencontres d’affaires avec des interlocuteurs singapouriens.
J’assure ensuite la diffusion de la stratégie numérique Digital Wallonia, auprès de certaines autorités locales, afin d’accroitre notre visibilité. C’est d’ailleurs une excellente carte de visite pour moi au regard de l’intérêt porté par Singapour pour le numérique.
Enfin, je réalise une veille technologique et commerciale dans le but de faire remonter sur la plateforme Digital Wallonia et à nos autorités compétentes les bonnes idées et les meilleures pratiques de Singapour, et d’alimenter la dynamique de création collaborative en Wallonie.
Quelles sont tes dernières actions pour favoriser le rayonnement du secteur du numérique wallon à l’international ?
Plusieurs actions ont déjà été menées notamment dans le domaine de l’e-health, de la fintech et des médias pour bon nombre d’entreprises à New York et Boston. New York est le cœur financier et médiatique des Etats-Unis et est également incontournable dans les secteurs de la mode, de l’agroalimentaire et de la logistique, tandis que Boston est au centre du plus gros vivier d’entreprises, centres de recherche et VCs en sciences de la vie.
Les entreprises wallonnes spécialisées en big data, mediatech, fintech, e-health et apps appliquées dans ces domaines ont été mises en contact avec les fleurons américains de ma juridiction, qu’il s’agisse des banques, des grands groupes pharmaceutiques, des géants médiatiques ou des universités comme Harvard et le MIT.
Enfin, quels conseils donnerais-tu aux entreprises wallonnes qui souhaitent se lancer ou étendre leur activité sur ce marché ?
Les 10 pays qui forment l’ASEAN représentent une population totale de 630 millions de personnes, dont 125 appartiendront à la classe moyenne d’ici 2025 et d’ici 2050. L’ASEAN sera le 4ème plus grand marché au monde.
Je conseille aux entreprises wallonnes de ne pas négliger cette partie du globe au potentiel énorme. Singapour est une base idéale pour sentir le marché, prendre connaissance des règlementations locales, comprendre les canaux de distribution, observer ses concurrents, construire son réseau et puis démarrer son activité. Le petit état multiculturel de Singapour permet de mieux appréhender les différentes cultures de la région, ainsi que de tester et de challenger ses produits et services. L’implantation fixe ne doit pas être immédiate ; il est cependant indispensable de visiter la zone régulièrement pour se rendre compte de ce qui s’y passe et y multiplier les contacts.
De Google à Grab, la société de taxis qui vient de racheter Uber à Singapour. En effet, les entreprises technologiques utilisent Singapour comme tremplin vers les marches émergents de la zone parce qu’elles disposent d’un écosystème riche, en technologies et en prestataires de services, qui leur permet de créer un environnement sain, puis de commercialiser et de s’étendre au-delà des frontières. Il faut suivre l’exemple des meilleurs !
