Isabelle Marx, professeur de français et personne-ressource « Ecole numérique » au Collège Sainte-Véronique à Liège, livre ses pistes pour motiver les enseignants à franchir le pas du numérique. Ses maîtres-mots sont : progression graduelle, personnalisation et collaboration.
Selon les réflexions actuelles, menées notamment dans le cadre de la mise en place du Pacte d’excellence, l’éducation numérique doit viser l’acquisition de compétences transversales qui ne peuvent pas faire uniquement l’objet d’un cours dédié.
Or, si l’on souhaite atteindre cet objectif louable, mais ambitieux, il faut d’abord que les enseignants maitrisent eux-mêmes les compétences technologiques requises.
Ce constat arrive d’ailleurs en 2ème position dans les recommandations des enseignants de la Fédération Wallonie-Bruxelles publiées récemment dans le Baromètre Digital Wallonia Éducation et Numérique 2018.
Il ne s’agit pas ici d’évoquer les formations initiale ou continuée, ni les nombreux outils présents en ligne, mais plutôt de présenter quelques actions concrètes qui peuvent être menées au sein même des écoles.
Utilisons pour ce faire une analogie qui parlera à tous : "le numérique, c’est comme le sport : pour réussir, il faut se fixer des objectifs, acquérir un minimum de connaissances techniques, s’entraîner régulièrement et vouloir progresser".
Piste 1. Se fixer un ou plusieurs objectifs
Partant d’une bonne intention, il arrive souvent que l’on incite les enseignants à se former aux outils numériques, sans véritablement se demander si cela répond à un besoin ou une envie dans le cadre de leur pratique.
Une piste à envisager au sein de l’école serait de permettre à chacun de définir ses objectifs numériques (personnels et professionnels) afin de prévoir des formations adaptées et acquérir du matériel conforme aux attentes.
Les formations personnalisées seraient idéalement données par des collègues mieux aguerris qui, en plus d’initier à une technique, pourront montrer ses plus-values concrètes dans le cadre d’une séquence d’apprentissage en classe.
Permettre à chacun de démarrer un projet numérique, quel que soit son niveau de départ et ses objectifs, est la condition nécessaire pour que les enseignants choisissent de consacrer du temps et de l’énergie à la mise en œuvre de nouvelles pratiques.
Piste 2. Acquérir les connaissances techniques minimales, connaître les bons gestes
Tous les enseignants n’ont pas le même niveau de maîtrise des outils et certains éprouvent même quelques craintes à se lancer dans l’aventure.
Rien n’est plus insécurisant pour un enseignant que de maîtriser imparfaitement un outil devant une classe. Le vieux stéréotype de l’élève qui en sait plus que le professeur dans le domaine du numérique a la vie dure et peut être particulièrement inhibant.
Dans ce cas, une piste serait d’instaurer dans les écoles de courtes formations techniques adaptées à l’environnement propre à l’établissement. Cela pourrait, à l’instar de ce qui se fait déjà dans certaines écoles, s’accompagner de routines courtes et claires affichées dans les locaux équipés ainsi que de tutoriels disponibles par exemple sur la plateforme interne de l’école. Ainsi, n’importe quel enseignant pourra entrer dans le projet numérique quand il le souhaite et en toute sécurité.
Piste 3. Pratiquer et s’entraîner
Rome ne s’est pas faite en un jour. De même, l’intégration des outils numériques dans les séquences de cours doit se faire progressivement, une leçon après l’autre. Il y aura des essais et des erreurs, des tâtonnements, des expériences plus ou moins heureuses…
La collaboration entre enseignants devient alors primordiale car le partage d’expériences et la recherche commune de solutions sont les meilleurs encouragements qui soient.
De plus, l’enseignant qui sera à l’aise avec les outils informatiques et les démarches qui leur sont corollaires pourra plus facilement les mettre au service de sa matière et conduire les élèves à les utiliser à bon escient.
Piste 4. Persévérer et se renouveler
Ce n’est un secret pour personne, l’informatique évolue sans cesse et la mise à jour des connaissances doit être régulière. De nouvelles ressources apparaissent et offrent des possibilités qui n’étaient pas envisageables auparavant.
De même, une fois qu’un enseignant maîtrise les fonctions de base du numérique, il est mieux armé pour laisser libre cours à sa créativité. Plutôt que simplement transposer ce qu’il faisait déjà avant de se lancer dans le numérique, il pourra désormais imaginer des activités originales s’appuyant sur le matériel pour dépasser la simple transmission et rendre l’élève acteur de son parcours d’apprentissage.
Une solution à explorer : le fabcamp
Depuis quelques années, le concept de fabcamp se décline dans les différents secteurs du numérique (et même au-delà). Il s’agit de courtes séances participatives au cours desquelles on crée ensemble une ressource, un contenu ou un outil.
[caption id="attachment_284283" align="alignnone" width="585"] Session fabcamp dédiée à l'usage du tableau interactif.[/caption]
Les expertises technique, pédagogique, disciplinaire… des uns et des autres se rencontrent dans une ambiance souvent détendue. La relation interpersonnelle crée une émulation positive et crée un climat de confiance dans lequel chacun peut poser ses questions, faire des suggestions, trouver des solutions et aboutir à une réalisation concrète, prête à être testée en classe dès le lendemain.
Cette collaboration entre pairs signifie également que les retours d’expériences et les échanges sont facilités puisqu’ils se déroulent dans la salle des profs, permettant d’affiner au mieux les outils construits ensemble.
Bref, pour conclure sur l’analogie de départ : le numérique dans l’enseignement doit aussi être un sport d’équipe.